La maladie d’Alzheimer pourrait-elle être causée par de faibles niveaux de sérotonine, la substance chimique du cerveau affectant l’humeur et le sommeil? Une nouvelle recherche s’intéresse à cette question cruciale.
À ce jour, les causes exactes de la maladie d’Alzheimer demeurent floues, mais les chercheurs s’efforcent d’éclaircir les fondements neurologiques, moléculaires et génétiques de cette pathologie. Une hypothèse largement explorée est que le neurotransmetteur sérotonine joue un rôle clé.
Des études récentes ont révélé que les individus atteints de la maladie d’Alzheimer présentent des niveaux réduits de sérotonine, un neurotransmetteur essentiel à la régulation de l’humeur, du sommeil, de l’appétit et de la fonction sexuelle, entre autres.
De plus, d’autres recherches ont montré qu’une perte des neurones monoaminergiques, qui modulent la sérotonine et d’autres neurotransmetteurs, est associée à une accumulation anormale de plaques amyloïdes dans le cerveau. Ces plaques, composées de protéines, sont une caractéristique emblématique de la maladie d’Alzheimer.
Cependant, la question demeure : les faibles niveaux de sérotonine sont-ils la cause ou la conséquence de la maladie d’Alzheimer?
Une étude récente menée par des scientifiques de la faculté de médecine de l’Université Johns Hopkins à Baltimore apporte des éclaircissements. Elle confirme que la sérotonine joue un rôle crucial dans la maladie d’Alzheimer, suggérant que cette substance chimique pourrait être un facteur déclencheur plutôt qu’un simple sous-produit de la pathologie.
Gwenn Smith, Ph.D., professeur de psychiatrie et de sciences du comportement à l’École de médecine de l’Université Johns Hopkins, est le principal auteur de cette étude. Les résultats de son équipe ont été publiés dans la revue Journal of Neuroscience.
Étudier les transporteurs de la sérotonine
En utilisant la tomographie par émission de positons (TEP), le professeur Smith et ses collègues ont analysé les niveaux de sérotonine dans le cerveau de 56 participants, dont l’âge moyen était de 66 ans et 45 % étaient des femmes.
Les chercheurs ont spécifiquement étudié le comportement des transporteurs de recapture de la sérotonine (SERT) dans le cerveau de ces participants.
Ces transporteurs sont des protéines présentes dans la membrane des neurones, responsables du transport des neurotransmetteurs hors des synapses entre les cellules cérébrales et de leur retour vers la cellule nerveuse.
Les participants ont été répartis en deux groupes de 28 : le premier groupe présentait des symptômes de déficience cognitive légère (MCI) – souvent un précurseur de la maladie d’Alzheimer – évalués par des tests cognitifs standard, tandis que le second groupe était composé d’adultes en bonne santé (les contrôles).
Niveaux inférieurs de SERT trouvés chez les patients MCI
Grâce à un carbone radioactif, les chercheurs ont pu retracer la présence et l’activité du SERT lors des examens TEP. Le professeur Smith et son équipe ont découvert que les individus atteints de MCI avaient jusqu’à 38 % moins de SERT que leurs homologues cognitivement sains.
De plus, aucun participant atteint de MCI ne présentait de taux de SERT plus élevés que ceux en bonne santé.
Les chercheurs ont également mis en relation les résultats des tests cognitifs standardisés avec les résultats des examens TEP et ont constaté une corrélation directe.
Par exemple, ceux ayant MCI ont obtenu des scores de mémoire verbale 37 % inférieurs, avec des niveaux de SERT réduits de 18 % par rapport à leurs homologues cognitivement sains et d’âge similaire.
Sur le plan clinique, ces résultats suggèrent que prévenir la perte de sérotonine, ou la remplacer par un autre neurotransmetteur, pourrait ralentir, voire stopper, la progression de la maladie.
« Maintenant que nous avons des preuves supplémentaires que la sérotonine est une substance chimique affectée dès les premiers stades de déclin cognitif, nous soupçonnons que stimuler la fonction de la sérotonine dans le cerveau pourrait empêcher l’aggravation de la perte de mémoire et la progression de la maladie. »
Gwenn Smith, Ph.D.
Traditionnellement, pour traiter des maladies telles que la dépression, où les niveaux de sérotonine doivent être ajustés, les médecins prescrivent des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Ces médicaments empêchent la réabsorption du neurotransmetteur par les neurones.
Cependant, le professeur Smith souligne que les traitements par ISRS pour la maladie d’Alzheimer n’ont pas donné les résultats escomptés. Cela pourrait s’expliquer par le fait que les ISRS doivent se lier aux transporteurs de sérotonine pour être efficaces, mais chez les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, ces transporteurs sont précisément ceux qui sont déficients.
Elle suggère ainsi que les récepteurs de la sérotonine, plutôt que les transporteurs, pourraient représenter une cible thérapeutique plus pertinente.
Perspectives de recherche pour 2024
En 2024, de nouvelles recherches s’annoncent prometteuses dans le domaine de la sérotonine et de la maladie d’Alzheimer. Des études préliminaires indiquent que l’utilisation de traitements innovants ciblant les récepteurs de la sérotonine pourrait potentiellement freiner la progression de la maladie. Des essais cliniques sont en cours pour évaluer l’efficacité de ces approches.
De plus, la recherche sur le lien entre la sérotonine et d’autres neurotransmetteurs, comme la dopamine, pourrait offrir de nouvelles pistes thérapeutiques. La compréhension des réseaux neuronaux complexes et leur interaction avec les niveaux de sérotonine pourrait ouvrir la voie à des stratégies de traitement plus efficaces.
Enfin, des études longitudinales visant à suivre les niveaux de sérotonine au fil du temps chez des individus à risque pourraient fournir des informations précieuses sur la manière dont ces niveaux influencent le développement de la maladie d’Alzheimer. Ainsi, la recherche continue d’évoluer, offrant des espoirs de nouvelles interventions qui pourraient transformer le paysage du traitement de cette maladie dévastatrice.