Protéger Les Mitochondries : Une Nouvelle Voie Pour Traiter Alzheimer

Les blessures à la mitochondrie – ces petites centrales énergétiques à l’intérieur des cellules – déclenchent des événements précoces dans la maladie d’Alzheimer, offrant ainsi une cible prometteuse pour les traitements. Une nouvelle étude publiée dans un journal scientifique démontre comment les oligomères bêta-amyloïde, une protéine hautement toxique, perturbent ces mitochondries essentielles.

Mitochondrie : centrale énergétique des cellules cérébrales

Cette recherche met également en lumière comment un prétraitement pourrait protéger les cellules du cerveau humain contre de tels dommages. «Les mitochondries», explique le Dr Diego Mastroeni, professeur adjoint à l’Université d’État de l’Arizona à Tempe, «sont la principale source d’énergie des cellules cérébrales, et les déficiences du métabolisme énergétique représentent l’un des premiers événements de la pathobiologie de la maladie d’Alzheimer.»

La maladie d’Alzheimer, dévastatrice, détruit le tissu cérébral, privant les patients de leurs capacités de pensée, de mémoire, de prise de décision, de socialisation et d’autonomie. C’est la forme de démence la plus répandue et la sixième cause de décès aux États-Unis, où plus de 5 millions de personnes sont touchées.

Le fardeau de cette maladie grandit avec le vieillissement de la population. Les coûts liés à la maladie d’Alzheimer et aux autres démences devraient passer de 259 milliards de dollars à 1,1 trillion de dollars entre 2017 et 2050.

À mesure que la maladie progresse, elle modifie la biologie et la chimie du cerveau, entraînant la mort des neurones et la rétraction des tissus cérébraux. Actuellement, il n’existe pas de remède ou de traitement efficace capable de ralentir significativement la progression de cette maladie.

Des signes de changements tissulaires précoces apparaissent avant même l’émergence des symptômes comportementaux de la maladie d’Alzheimer. Cependant, malgré une multitude de théories, les causes exactes demeurent encore mystérieuses.

Bêta-amyloïde et la maladie d’Alzheimer

Une théorie prédominante sur les origines de la maladie d’Alzheimer suggère que l’accumulation de fragments de protéines collantes appelées amyloïdes bêta déclenche une réaction en chaîne dans le cerveau, menant à la maladie. Les autopsies cérébrales de personnes décédées avec la maladie d’Alzheimer montrent deux types distincts d’accumulations anormales de protéines : des enchevêtrements à l’intérieur des cellules et des plaques entre elles.

Ces caractéristiques de la maladie d’Alzheimer sont principalement trouvées dans l’hippocampe, le néocortex et d’autres régions cérébrales sous le cortex, essentielles pour la pensée, la mémoire et l’apprentissage. Toutefois, à mesure que la recherche avance, des problèmes émergent concernant la théorie de l’amyloïde.

Par exemple, certaines études montrent que des patients âgés avec une forte présence de plaques amyloïdes ne présentent pourtant aucun déficit mesurable de pensée et de mémoire, tandis que d’autres patients avec des symptômes sévères d’Alzheimer affichent une accumulation très faible de la protéine amyloïde anormale. De plus, les médicaments expérimentaux ciblant l’amyloïde n’ont pas montré d’efficacité dans les essais cliniques, n’ayant pas réussi à stopper le déclin cognitif.

Ces préoccupations ont conduit les chercheurs à soutenir que les plaques et enchevêtrements apparaissent probablement à des stades plus avancés de la maladie, laissant entendre qu’autres déclencheurs sont impliqués.

Un rôle pour les mitochondries?

Les mitochondries, petites structures au sein des cellules, transforment l’oxygène et les nutriments en adénosine triphosphate (ATP), la principale source d’énergie pour les activités cellulaires. Des années de recherche ont montré que ces centrales énergétiques diffèrent entre le cerveau d’un patient atteint d’Alzheimer et celui d’un individu en bonne santé.

Ces découvertes ont amené à considérer les mitochondries comme des acteurs cruciaux dans la maladie d’Alzheimer, non seulement en tant que contributeurs, mais aussi en tant que moteurs de la maladie. Le débat actuel oscille entre l’idée que la bêta-amyloïde cause un dysfonctionnement mitochondrial et l’hypothèse qu’une cascade de changements mitochondriaux pourrait précéder le développement de la bêta-amyloïde.

Un autre point de vue suggère qu’une forme «très toxique» de bêta-amyloïde, connue sous le nom d’amyloïde bêta oligomérique, accélère le déclin mitochondrial habituellement associé au vieillissement. La nouvelle étude qui examine l’impact de l’amyloïde bêta oligomérique sur les mitochondries dans les cellules cérébrales apporte des preuves supplémentaires dans cette direction.

Preuve de perturbation des mitochondries

Pour cette étude, le Dr Mastroeni et ses collègues ont extrait des neurones pyramidaux de l’hippocampe du cerveau de patients décédés de la maladie d’Alzheimer. Ces neurones sont considérés comme les «moteurs» du cerveau, jouant un rôle essentiel dans le traitement cognitif. Les maladies comme Alzheimer sont connues pour détruire ces cellules de manière disproportionnée.

En analysant les neurones pyramidaux, les chercheurs ont trouvé des preuves de perturbation mitochondriale, manifestées par une expression réduite de plusieurs gènes mitochondriaux, suggérant que ces mitochondries avaient été altérées par l’amyloïde bêta oligomérique.

De plus, la même expression réduite des gènes mitochondriaux a été observée lorsque les cellules d’une lignée cellulaire de neuroblastome humain ont été exposées à la protéine toxique. En revanche, d’autres types de cellules, telles que les astrocytes et les microglies, extraites des cerveaux de patients Alzheimer, n’ont pas montré de signes de dysfonctionnement mitochondrial. Ces cellules soutiennent le cerveau en maintenant l’équilibre chimique et en fournissant des nutriments.

Un prétraitement peut protéger les neurones

Dans une autre série d’expériences, les chercheurs ont prétraité les neurones humains en laboratoire avec un composé similaire à CoQ10, connu pour stimuler la production d’ATP tout en limitant le stress oxydatif, un processus qui peut également dégrader les mitochondries. Lorsque ces neurones prétraités ont été exposés à l’amyloïde bêta oligomérique, ils ont montré des signes réduits de détérioration mitochondriale. Ce résultat pourrait ouvrir la voie à de nouveaux traitements pour la maladie d’Alzheimer.

« Cette étude renforce la toxicité de l’amyloïde bêta oligomérique sur les mitochondries neuronales et souligne la nécessité de développer des composés protecteurs pour préserver les mitochondries de cette toxicité, » conclut le Dr Diego Mastroeni.

Perspectives de recherche pour 2024

À l’horizon 2024, de nouvelles recherches se concentrent sur la compréhension des mécanismes moléculaires sous-jacents aux dysfonctionnements mitochondriaux dans la maladie d’Alzheimer. Des études récentes montrent que des approches ciblant la protection mitochondriale pourraient non seulement ralentir la progression de la maladie, mais aussi améliorer la fonction cognitive des patients. Par exemple, des essais cliniques en cours évaluent l’efficacité de nouveaux médicaments qui agissent comme des antioxydants pour protéger les mitochondries et réduire la toxicité des oligomères bêta-amyloïdes.

Par ailleurs, des recherches explorent le potentiel des interventions nutritionnelles, comme l’utilisation d’acides gras oméga-3 et de polyphénols, pour améliorer la santé mitochondriale. Des études préliminaires suggèrent que ces nutriments pourraient renforcer la fonction mitochondriale et atténuer les effets néfastes de l’accumulation d’amyloïde. Il est essentiel que la communauté scientifique continue d’explorer ces avenues pour offrir de nouvelles solutions contre cette maladie dévastatrice.

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