Afin de maintenir la santé, le système immunitaire humain doit faire la distinction entre les amis, qui sont les tissus du corps humain, et les ennemis, c’est-à-dire les pathogènes invasifs responsables des maladies. Ce défi est particulièrement manifeste dans l’intestin humain, où non seulement les cellules de l’hôte, mais aussi les trillions de bactéries qui coexistent et collaborent avec elles doivent être perçues comme amicales. Une nouvelle étude révèle maintenant un mécanisme par lequel cet équilibre délicat entre la promotion et l’inhibition de la réponse immunitaire est maintenu.
Cette étude, fruit d’une collaboration entre des chercheurs allemands et italiens, a été publiée dans une revue scientifique de renom.
Dans leur recherche, l’auteur principal, Thomas Brocker, professeur et directeur de l’Institut d’immunologie de l’Université Ludwig Maximilian (LMU) de Munich, et ses collègues, décrivent comment ils ont réussi à former des cellules de surveillance immunitaire afin de détecter la différence entre ami et ennemi.
Nos intestins abritent une communauté complexe de plus de 100 billions de cellules microbiennes, jouant un rôle crucial dans notre santé et notre maladie.
Ces microbes résidant dans l’intestin, connus sous le nom de microbiote intestinal, ainsi que leur matériel génétique, appelé microbiome intestinal, influencent le métabolisme, la nutrition et la fonction immunitaire.
Les scientifiques ont découvert que la perturbation du microbiote intestinal est associée à des problèmes tels que l’obésité, les maladies inflammatoires de l’intestin et d’autres troubles gastro-intestinaux.
De plus, il a été suggéré que l’impact de l’obésité sur le microbiome intestinal pourrait expliquer son lien étroit avec le diabète de type 2.
D’autres chercheurs ont même comparé la singularité du microbiote intestinal d’un individu à une « empreinte génétique », soulevant ainsi des préoccupations de confidentialité pour les participants aux projets de recherche sur le microbiome humain.
Les cellules dendritiques : Promotion et inhibition de la réponse immunitaire
La nouvelle étude se concentre sur un type de cellules appelées cellules dendritiques (CD), qui ont développé deux rôles distincts, et apparemment opposés, dans le corps humain. En effet, ces cellules peuvent à la fois favoriser et inhiber la réponse immunitaire.
Faits rapides sur le microbiote intestinal :
- Nos intestins contiennent environ 1000 espèces bactériennes.
- Il y a 100 fois plus de gènes dans le microbiome intestinal que dans le génome humain.
- Pensé stérile à la naissance, l’intestin du nourrisson est rapidement colonisé après l’accouchement.
En savoir plus sur le microbiote intestinal.
Les cellules dendritiques activent le système immunitaire en réponse à des infections, mais elles participent également à sa suppression active dans certaines situations.
En effet, elles inhibent l’immunité en déclenchant des cellules T régulatrices induites (iTregs), un type de cellule qui contrôle le développement de la tolérance immunitaire.
En tant qu’inhibiteurs de l’immunité dans l’intestin, les CD aident le système immunitaire à traiter le microbiote intestinal comme un ami plutôt que comme un ennemi. Pour ce faire, elles internalisent les protéines du microbiote et migrent vers les ganglions lymphatiques associés à l’intestin.
En se déplaçant vers ces ganglions lymphatiques, les CD décomposent les protéines bactériennes internalisées en morceaux plus petits qui deviennent semblables aux « badges d’identité » qu’elles présentent sur leur surface cellulaire.
Ces badges d’identité sont affichés avec des protéines de liaison spécifiques reconnues par les iTregs, ce qui empêche ces dernières de favoriser les réponses immunitaires contre les protéines portant ces badges.
Le professeur Brocker déclare : « Nous pensons que ces iTreg sont spécifiques aux protéines produites par les bactéries intestinales naturelles. »
L’équipe de recherche explique que la migration des CD vers les ganglions lymphatiques, en particulier celles dont les surfaces cellulaires expriment une protéine appelée CD103+, est cruciale pour la mise à jour du système immunitaire sur la composition du microbiote intestinal.
Les cellules dendritiques ont un « bouton d’alarme »
Cependant, les chercheurs souhaitaient découvrir comment ce mécanisme de tolérance pouvait être désactivé en cas d’urgence. Leur enquête les a menés à une autre molécule que les CD affichent sur leur surface cellulaire, appelée CD40, qui fonctionne comme un véritable bouton d’alarme.
Lorsque CD40 est activé, il se lie à une molécule partenaire sur la surface d’un autre type de cellule T, les cellules T effectrices, transformant ainsi les CD d’inhibiteurs de la réponse immunitaire en promoteurs.
Dans des expériences menées sur des souris, les chercheurs ont montré que les animaux dont la signalisation CD40 était constamment activée développaient une colite sévère, sans autre symptôme.
Ils ont découvert que ces cellules dendritiques affectées continuaient à migrer vers les ganglions lymphatiques de la muqueuse intestinale, mais une fois arrivées, elles subissaient un suicide cellulaire (apoptose) et empêchaient ainsi les cellules T régulatrices de détecter les insignes d’identité des protéines du microbiote qui normalement les protègent des attaques immunitaires.
Cela entraîne une réponse immunitaire généralisée où les lymphocytes T se déplacent vers la paroi intestinale, provoquant une inflammation. L’équipe a également noté que l’administration d’antibiotiques aux souris, tuant leur microbiote intestinal, réduisait également l’inflammation, permettant ainsi aux animaux de survivre.
« Ces résultats montrent que l’interaction entre les cellules dendritiques CD103 positives et les cellules T régulatrices est essentielle pour maintenir l’équilibre immunologique correct, ou l’homéostasie, dans l’intestin, » souligne le professeur Thomas Brocker.
Les chercheurs souhaitent maintenant explorer si des lymphocytes T régulateurs spécifiques sont programmés pour des bactéries intestinales particulières, comme le suggère cette étude.
Enfin, il serait intéressant d’étudier comment le microbiote intestinal pourrait jouer un rôle dans la maladie de Parkinson et d’autres affections neurologiques, car la recherche dans ce domaine est en pleine expansion.