Une nouvelle étude met en lumière les dangers potentiels associés à deux composés de fer couramment utilisés dans les suppléments et les additifs alimentaires. Il s’avère qu’ils augmentent les niveaux d’un biomarqueur du cancer, même lorsqu’ils sont consommés en petites quantités.
Cette recherche a été menée par l’Université Chalmers de technologie à Göteborg, en Suède, en collaboration avec le Medical Research Council du Royaume-Uni et l’Université de Cambridge. Les scientifiques, dirigés par Nathalie Scheers, professeur adjoint à l’Université Chalmers, ont été motivés par des études antérieures indiquant que le citrate ferrique et l’EDTA ferrique pouvaient favoriser la formation de tumeurs chez les souris.
Cependant, les études précédentes n’avaient pas clarifié si toutes les formes de fer « biodisponibles » pouvaient exacerber la croissance des cellules cancéreuses intestinales, ni si les différentes formes de fer agissaient selon un même mécanisme. C’est pour pallier ce manque de données que Scheers et son équipe ont examiné l’effet de ces deux composés sur la prolifération des cellules cancéreuses colorectales humaines. Ils ont également inclus le sulfate ferreux, un autre composé de fer largement utilisé.
Dans leurs expériences, les chercheurs ont utilisé des niveaux de ces composés qui pourraient être présents dans le tractus gastro-intestinal après la prise d’un supplément. À leur connaissance, c’est la première fois que l’effet de ces composés est étudié sur des cellules humaines.
Citrate Ferrique et EDTA : Un Risque Cancérigène ?
L’équipe de Scheers a employé une gamme de techniques, incluant des tests de prolifération cellulaire et l’analyse par transfert de Western, pour mener à bien leur enquête. Les résultats ont révélé que même à faibles concentrations, le citrate ferrique et l’EDTA ferrique augmentaient les taux cellulaires d’un biomarqueur du cancer, l’amphiréguline, ainsi que son récepteur. En revanche, le sulfate ferreux ne présentait pas cet effet.
« Les composés de fer spécifiques influencent différemment la signalisation cellulaire, et certains pourraient accroître le risque de développement du cancer du côlon de manière dépendante de l’amphiréguline », expliquent les auteurs de l’étude.
« Nous pouvons conclure que le citrate ferrique et l’EDTA ferrique pourraient être cancérigènes, car ils favorisent tous deux la production d’amphiréguline, un marqueur du cancer souvent associé à un pronostic défavorable », commente Scheers.
Cependant, elle souligne également que « cette étude a été réalisée sur des cellules cancéreuses humaines cultivées en laboratoire, car il serait éthiquement inacceptable de le faire chez l’homme ». Elle met en garde que « les mécanismes et les effets observés nécessitent une étude plus approfondie ».
Les Suppléments de Fer : Un Dilemme Sanitaire
Le citrate ferrique, souvent commercialisé sous le nom d’Auryxia, est un supplément de fer largement utilisé pour traiter l’anémie, notamment chez les patients souffrant d’insuffisance rénale chronique. Dans certains pays, l’EDTA ferrique est parfois ajouté à des produits comme les céréales, la farine ou même les boissons en poudre. Aux États-Unis, la FDA a approuvé son utilisation comme additif alimentaire dans diverses sauces, telles que la sauce soja et la sauce teriyaki.
Les suppléments de fer sont fréquemment prescrits aux femmes enceintes, aux personnes ayant subi des pertes sanguines ou aux patients atteints de maladies rénales. Toutefois, les chercheurs mettent en garde contre le fait que ces groupes pourraient être particulièrement vulnérables à une consommation excessive de ces substances cancérigènes.
Les auteurs soulignent également que les consommateurs peuvent avoir du mal à distinguer les types de suppléments de fer, car « aucun magasin ou fournisseur ne précise réellement quel type de composé de fer est présent, même dans les pharmacies ». Souvent, il est simplement indiqué « fer » ou « minerai de fer », ce qui complique la tâche des consommateurs.
« Il est crucial que les chercheurs et les autorités commencent à différencier les différentes formes de fer, car elles peuvent avoir des effets biologiques distincts », insiste M. Scheers. « Pour l’instant, il est fondamental que les gens suivent les recommandations médicales. En tant que chercheur, je ne peux rien prescrire, ce conseil doit provenir des autorités compétentes. »
« Personnellement, si j’avais besoin d’un supplément de fer, j’essaierais d’éviter le citrate ferreux », conclut-elle.
Perspectives de Recherche et Nouveaux Développements
À la lumière de ces découvertes, il est essentiel d’approfondir les recherches sur les effets des différents composés de fer sur la santé humaine. Des études récentes ont montré que les mécanismes sous-jacents à l’interaction entre le fer et les cellules tumorales pourraient être plus complexes que ce que l’on pensait auparavant. Par exemple, des publications de 2023 soulignent que l’environnement intestinal et le microbiome pourraient également jouer un rôle significatif dans la manière dont ces suppléments influencent le risque de cancer.
Des analyses épidémiologiques récentes ont mis en évidence des corrélations entre une consommation élevée d’additifs de fer et une incidence accrue de certains types de cancer. Les chercheurs encouragent donc une évaluation rigoureuse des risques associés à l’utilisation des suppléments de fer, en particulier chez les populations à risque.
Il est donc impératif que les autorités de santé publique prennent en compte ces nouvelles informations pour réévaluer les recommandations concernant l’utilisation des suppléments de fer. Les patients doivent être informés des risques potentiels et des alternatives possibles afin de prendre des décisions éclairées concernant leur santé.