La Découverte Étonnante : 50% des Humains Peuvent Voir Dans le Noir

Quand il s’agit de voir dans l’obscurité, la croyance traditionnelle veut que les humains soient incapables de le faire. Pourtant, des recherches récentes remettent en question cette idée, suggérant qu’au moins 50% des individus peuvent détecter le mouvement de leur propre main, même dans un environnement totalement noir.

Des chercheurs de l’Université de Rochester à New York et de l’Université Vanderbilt au Tennessee ont montré que ce que nous appelons la vision dépend autant de notre cerveau que de nos yeux.

Duje Tadin, professeur de sciences cérébrales et cognitives à l’Université de Rochester, et Randolph Blake, professeur de psychologie à l’Université Vanderbilt, ont découvert cette capacité singulière en 2005.

Dans leur étude, publiée dans une revue scientifique, les chercheurs ont dû concevoir des expériences permettant de mesurer objectivement une perception qui est par nature subjective.

« Bien que le phénomène nous semble réel, comment pourrions-nous déterminer si d’autres voyaient vraiment leur propre main en mouvement, ou si elles nous disaient simplement ce qu’elles pensaient que nous voulions entendre? » s’interroge le professeur Blake.

Kevin Dieter, un stagiaire postdoctoral à l’Université Vanderbilt, a été crucial dans la création de protocoles expérimentaux permettant aux participants de rapporter avec précision ce qu’ils visualisaient.

Expériences sous «fausses attentes»

Les chercheurs ont mené une série d’expériences impliquant 129 participants provenant de Rochester, NY, Nashville, TN, Fenton, MI et Séoul, en Corée du Sud.

Certains de ces participants ont été sélectionnés en raison de leur expérience de « mélange de sens » dans leur quotidien, connus sous le nom de « synesthètes ».

Ces individus peuvent voir des couleurs lorsqu’ils entendent de la musique ou goûter des saveurs en entendant des sons. Dans le cadre de cette étude, les synesthètes impliqués ont pu voir des chiffres ou des lettres associés à des couleurs spécifiques.

Une expérience a demandé aux participants de porter des bandeaux apparemment perforés, tout en leur affirmant qu’ils percevraient « le mouvement dans des conditions de faible éclairage ».

Une autre expérience a utilisé des bandeaux similaires, mais sans trous, induisant les participants à croire qu’ils ne verraient rien.

Cependant, les chercheurs ont précisé que dans les deux cas, les bandeaux étaient opaques et bloquaient complètement la lumière. Leur objectif était de créer de « fausses attentes » pour permettre aux participants de rapporter ce qu’ils voyaient réellement lors des prochaines expériences.

Durant ces expériences, l’un des chercheurs agita sa main devant le participant aux yeux bandés, tandis que les participants devaient également déplacer leurs mains devant les bandeaux.

Les mouvements oculaires des sujets ont été suivis grâce à un système de suivi oculaire informatisé dans l’obscurité totale, afin de déterminer si les participants pouvaient effectivement percevoir le mouvement de leur main.

Auto-mouvement : un élément clé du processus visuel

Les résultats ont montré qu’environ 50% des participants étaient capables de détecter de manière cohérente leurs propres mouvements de main, quelles que soient les fausses attentes mises en place.

En revanche, lorsque l’expérimentateur agita sa main devant les participants, ceux-ci rapportèrent ne percevoir aucun mouvement. Cela souligne l’importance du « mouvement de soi » dans ce processus visuel.

Une vidéo de l’Université de Rochester illustre les fondements de ces expériences :

L’utilisation du suivi oculaire a révélé que les participants capables de voir le mouvement de leur main suivaient ce dernier avec beaucoup plus de précision dans l’obscurité que ceux qui n’avaient signalé aucune perception visuelle.

En commentant ces résultats, le professeur Tadin déclare :

« Voir dans l’obscurité totale ? Selon notre compréhension actuelle de la vision, cela semble impossible. Pourtant, cette recherche montre que nos propres mouvements envoient des signaux sensoriels qui peuvent générer de véritables perceptions visuelles dans notre cerveau, même sans apport visuel. »

Connexions neuronales et auto-mouvement

En examinant les synesthètes, les chercheurs ont noté qu’ils avaient une meilleure capacité à percevoir le mouvement, ainsi qu’une clarté visuelle accrue concernant ce dernier.

Un synesthète a même rapporté une précision de 95% dans le suivi du mouvement de sa main dans l’obscurité, suggérant qu’il pouvait voir sa main dans l’obscurité presque aussi bien qu’en plein jour.

Ces découvertes ont conduit les chercheurs à envisager que cette capacité à percevoir le mouvement dans le noir pourrait être liée à des connexions neuronales entre les différents sens.

« Nous savons que la synesthésie sensorielle est à la base de cette expérience. Voir des couleurs avec des chiffres n’est probablement que la partie émergée de l’iceberg. La synesthésie pourrait impliquer de nombreux aspects du traitement cérébral atypique, » explique David Knill, professeur de sciences cérébrales et cognitives à l’Université de Rochester.

Cependant, le professeur Tadin reste sceptique quant à la possibilité que la plupart des humains soient « préprogrammés » pour voir dans l’obscurité.

« Que ce soit inné ou acquis par l’expérience, je suis convaincu que cela provient de l’expérience. Nos cerveaux sont remarquablement doués pour détecter des motifs fiables, » affirme-t-il.

« Le cerveau est conçu pour identifier des motifs – qu’ils soient visuels, auditifs, liés à la pensée ou au mouvement. C’est logique que notre cerveau ait développé cette capacité et l’ait exploitée. »

Nouvelles Perspectives de Recherche en 2024

En 2024, la recherche sur la perception visuelle dans l’obscurité continue de progresser. De nouvelles études explorent les mécanismes neuronaux sous-jacents de la perception du mouvement et leur application potentielle dans le traitement de troubles neurologiques tels que la prosopagnosie, où les individus ont des difficultés à reconnaître les visages.

Des avancées technologiques, comme l’utilisation d’IRM fonctionnelles, permettent de mieux comprendre comment le cerveau traite des signaux sensoriels en l’absence de stimuli visuels. Ces études pourraient ouvrir la voie à des thérapies novatrices pour améliorer la perception visuelle chez les personnes atteintes de déficits sensoriels.

De plus, la recherche sur les synesthètes continue d’éclairer les connexions entre les sens. Les experts envisagent que ces capacités pourraient servir de modèle pour développer des interventions ciblées qui améliorent la perception sensorielle chez des populations spécifiques.

En somme, ces découvertes enrichissent notre compréhension de la vision humaine et ouvrent des perspectives passionnantes pour l’avenir de la recherche en neurosciences.

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