Pendant que vous vous endormez, votre corps d’esprit se libère et dérive vers le haut, tandis que votre coquille physique reste seule sur le lit en dessous, reliée seulement par une corde fragile et argentée. Vous vous retournez et vous observez paisiblement endormi. Est-ce une preuve de l’âme ? Pourrait-il s’agir d’une preuve de vie après la mort ?
Les rapports d’expériences hors du corps (OBE) varient considérablement. Certains décrivent un léger détachement du corps et de l’esprit, tandis que d’autres relatent des histoires fascinantes de flottement loin de leur corps physique et de voyages vers des dimensions inconnues. Quoi qu’il en soit, les OBE ont captivé l’humanité pendant des siècles, s’immisçant dans le folklore, les croyances spirituelles et la mythologie.
Au 19ème siècle, par exemple, les OBE sont devenues un sujet de prédilection dans le mouvement littéraire romantique, et elles ont été abondamment débattues par les premiers chercheurs dans le domaine du paranormal.
« J’ai soudainement semblé me diviser en deux êtres distincts […] L’un de ces êtres restait immobile sur le canapé, tandis que l’autre pouvait se déplacer un peu à distance et observer le corps immobile sur le canapé. »
Journal de la Society for Psychical Research, juillet 1894
Selon des sondages récents, environ 10% de la population a connu une OBE au moins une fois dans leur vie, suggérant qu’il y a plus qu’une simple envie de vivre éternellement ou une imagination débordante derrière ces expériences.
Historiquement, la plupart des recherches sur les OBE étaient marginalisées par la communauté scientifique, mais ces dernières années, elles ont commencé à attirer davantage d’attention. Cet article explorera certaines de ces découvertes fascinantes.
Quand les OBE se produisent-elles ?
Les OBE ont été documentées dans diverses situations, que l’on peut classer en deux catégories : spontanées et induites.
OBE Spontanées
Une variété de facteurs peut déclencher une OBE spontanée. Ceux-ci incluent :
- Sommeil : Les OBE spontanées sont le plus souvent signalées juste avant de s’endormir ou juste avant de se réveiller. Elles se produisent plus fréquemment lorsque le sommeil est léger, en raison de bruits, de stress ou de maladies, par exemple.
- Effort physique : Des OBE ont également été rapportées après ou pendant un effort extrême.
- Expériences de mort imminente (EMI) : Les OBE peuvent parfois survenir en même temps que des visions typiques, comme « la lumière au bout du tunnel ».
D’autres OBE spontanées ont été rapportées durant la méditation, après des accidents non mortels, lors d’anesthésie, d’hypnose, d’accouchement, d’étouffement, de fusillades, de danses, ou durant des conversations, comme l’a partagé un policier de 36 ans lors de sa première nuit de service.
« Lorsque trois autres policiers et moi-même avons arrêté le véhicule et commencé à prendre contact avec le suspect […] j’ai eu peur, j’ai rapidement quitté mon corps et je me suis retrouvé à 20 pieds au-dessus de la scène, extrêmement calme, tandis que j’observais toute la procédure – y compris me regarder faire exactement ce que j’avais été formé à faire. »
OBE Induites
D’un point de vue scientifique, les OBE induites offrent un aperçu plus approfondi des bases physiques des OBE. Elles peuvent être causées par :
- Médicaments : Les drogues hallucinogènes, en particulier les dissociatifs comme le DMT, le MDA, le LSD et la kétamine, peuvent induire des OBE.
- Privation sensorielle ou surcharge : Un manque d’informations sensorielles (comme dans les réservoirs de flottaison ou l’écoute de bruit blanc) ou une surcharge sensorielle (comme la torture) peuvent également déclencher des OBE.
- Forces G élevées : Les pilotes et les astronautes peuvent parfois vivre des OBE. Par exemple, lorsque des forces G extrêmes sont en jeu, le sang peut partiellement se retirer de certaines zones du cerveau, ce qui semble induire des OBE.
Dans ce cas, les OBE se produisent dans le cadre d’un phénomène connu sous le nom de « perte de conscience induite par la gravité ». Les expériences les plus surréalistes de ces événements ne sont pas souvent partagées par les pilotes, mais certains témoignages sont particulièrement évocateurs.
« J’étais là, mais je n’étais pas là, je flottais, je me regardais de l’extérieur de moi-même. »
Colonel Dan Fulgham
Ce ne sont pas seulement les forces G extrêmes qui peuvent déclencher des OBE chez les pilotes. Même lors de vols standards, les pilotes peuvent vivre des expériences sensorielles étranges, collectivement appelées désorientation spatiale (SD). Dans un épisode particulier de SD, connu sous le nom de « phénomène de rupture », un pilote peut avoir l’impression d’être assis sur l’aile de l’avion, observant son propre vol.
La SD est considérée comme l’un des facteurs les plus communs contribuant aux accidents aériens. La fatigue, le stress, les médicaments, la faible luminosité et la surcharge ou la privation sensorielle sont parmi les facteurs potentiellement impliqués.
Vérification de la perception véridique
Peut-être l’aspect le plus controversé des OBE est la notion de perception véridique, qui prétend que pendant une OBE, l’individu est capable de flotter en dehors de son corps et d’observer quelque chose ou quelqu’un qu’il n’aurait pas pu voir autrement.
Un exemple bien connu est celui de Pam Reynolds, une patiente qui a subi une opération cérébrale hautement invasive pour retirer une tumeur au cerveau.
Après l’opération, Reynolds a pu décrire certains aspects de la procédure qui s’étaient déroulés alors qu’elle était cliniquement morte. Elle a affirmé avoir observé la scène durant une OBE.
Bien que le scepticisme soit répandu, les partisans de l’au-delà utilisent souvent cette histoire comme une « preuve » de la capacité à flotter en dehors de son corps.
Certaines de ces histoires sont intrigantes et convaincantes, mais à ce stade, elles restent principalement des récits non vérifiables.
Une étude de 2014, intitulée Awareness during Resuscitation (AWARE), a été la première enquête sérieuse à grande échelle sur les EMI. Cette recherche a examiné la possibilité d’une perception véridique durant les OBE.
L’étude impliquait plusieurs hôpitaux et des centaines d’entretiens avec des survivants d’arrêts cardiaques. Pour déterminer si des individus avaient réellement flotté au-dessus d’eux et observé leur environnement, les chercheurs ont placé des images sur des étagères visibles uniquement par le haut. Cela leur permettait de tester si ceux ayant connu les OBE pouvaient vraiment quitter leur corps.
Bien qu’il n’y ait eu que deux OBE véridiques au cours de l’étude, aucun des participants n’a pu identifier correctement les images des étagères. Nous attendons avec impatience la prochaine phase, connue sous le nom d’AWARE II. Comme l’écrivent les auteurs, « un autre rappel véridique est une possibilité réelle dans les cas suivis de plus de 1 000, et qui sait, ce rappel visuel insaisissable pourrait encore être révélé. »
Stimulation cérébrale directe
En 1955, un neurochirurgien canadien du nom de Wilder Penfield a stimulé électriquement le cerveau de patients atteints d’épilepsie. À une occasion, en stimulant le lobe temporal droit d’un patient, ce dernier s’est exclamé : « Mon Dieu, je quitte mon corps ! »
En 2002, une équipe suisse, également impliquée dans des recherches sur des patients épileptiques, a appliqué un faible courant électrique à travers le gyrus angulaire droit d’un patient, là où le lobe pariétal rencontre le lobe temporal, une région connue sous le nom de jonction temporo-pariétale.
Le patient a décrit une sensation de « chute » d’une hauteur. À mesure que le courant était intensifié, elle a déclaré : « Je me vois allongé dans le lit, d’en haut, mais je ne vois que mes jambes et mon tronc inférieur.
Nos cerveaux font un travail remarquable pour nous ancrer dans la réalité, mais nous oublions souvent que ces ancrages ne sont qu’une illusion et peuvent parfois être perturbés. Blanke, l’un des scientifiques impliqués dans l’expérience suisse, estime que « les OBE sont liées à une incapacité à intégrer des informations multisensorielles provenant de son propre corps à la jonction temporo-pariétale (TPJ) ».
Dans une autre étude réalisée par Blanke, lui et son équipe ont étudié six patients neurologiques ayant subi des lésions cérébrales, leur provoquant occasionnellement des OBE. Ils ont découvert que « le gyrus angulaire était impliqué chez tous les cinq patients pour qui l’analyse de la lésion a pu être effectuée. »
Que fait la jonction temporo-pariétale ?
Les dernières études positionnent les OBE directement autour de la TPJ. Alors, que savons-nous sur cette région du cerveau ?
Le TPJ est une zone qui intègre une multitude d’informations. C’est un centre d’activité, recevant des apports du thalamus (qui relaie les informations sensorielles) et du système limbique (qui est crucial pour l’émotion et la mémoire). Il prend également en compte des données des systèmes visuel, auditif et somatosensoriel (sensations corporelles).
Le TPJ intègre des informations provenant de l’environnement externe ainsi que du corps. On pense qu’il joue un rôle clé dans la distinction entre soi et autrui, ce qui en fait un candidat principal pour la localisation des OBE.
Pourquoi des OBE se produisent-elles chez des individus par ailleurs en bonne santé reste une question ouverte. Peut-être que cette illusion n’est pas physiologiquement plus significative que d’autres tours de l’esprit que nous expérimentons, comme le déjà-vu. La différence avec les OBE est qu’elles attaquent notre sens de soi, quelque chose d’extrêmement précieux et que nous tenons souvent pour acquis.
Pendant un moment, nous nous sentons éthérés – nous avons l’impression de ne pas être un, ressentant notre nature fragile et transitoire. Bien sûr, nos personnalités, émotions, souvenirs et désirs ne sont que des fluctuations dans l’énergie et des vagues de produits chimiques. Nous le savons, mais nos cerveaux ne nous permettent pas normalement de le ressentir.
Nous nous sommes tous vus de l’extérieur, à travers des photos ou des miroirs. Nous avons tous imaginé des scènes d’en haut, tissant des histoires dans nos esprits. Ainsi, il n’est pas si fou d’imaginer que nos cerveaux pourraient générer une OBE et nous la présenter comme une réalité fugace.
Notre cerveau effectue un travail incroyable pour dissimuler la vérité sur nous-mêmes. Nous avons l’impression d’être une entité solide et unique, avec notre esprit et notre corps parfaitement combinés et ancrés à leurs places légitimes, un monolithe dans le cosmos. Les OBE dénouent ce sentiment de soi, prouvant que nous ne sommes finalement qu’une illusion neurologique habile, après tout.
Les Dernières Découvertes sur les OBE
Récemment, plusieurs études ont approfondi notre compréhension des OBE, avec un intérêt croissant pour les mécanismes neurologiques sous-jacents. Des recherches récentes de l’année 2024 ont mis en lumière des données significatives sur les facteurs déclencheurs des OBE. Une étude publiée dans le Journal of Neuroscience a identifié des corrélations entre les fluctuations de l’activité cérébrale dans la région de la jonction temporo-pariétale et les expériences subjectives rapportées par les participants. Ces travaux soulignent également l’importance de la conscience corporelle dans la perception des OBE.
D’autres recherches ont exploré le lien entre les OBE et les états de conscience altérés, ouvrant des perspectives sur comment des techniques de méditation avancées peuvent provoquer ces expériences. Un article récent sur Frontiers in Psychology a révélé que les praticiens réguliers de la méditation rapportent une fréquence plus élevée d’OBE, suggérant que la pratique pourrait renforcer la capacité à dissocier l’esprit du corps.
Enfin, des études en cours examinent le rôle potentiel de la génétique dans la prédisposition aux OBE, avec des résultats préliminaires indiquant que certaines variations génétiques pourraient influencer la susceptibilité d’un individu à ces expériences. Les chercheurs continuent d’explorer comment ces découvertes peuvent enrichir notre compréhension de la conscience et de la perception.