Une nouvelle étude sur les jumeaux – qui a permis aux chercheurs de contrôler l’impact des facteurs environnementaux et génétiques partagés – a examiné l’effet de l’intimidation sur les jeunes enfants, et si ces effets durent ou non.
Entre 1 étudiant sur 3 et 1 étudiant sur 4 déclare avoir été victime d’intimidation dans un environnement scolaire aux États-Unis.
Être victime d’intimidation peut avoir des conséquences très graves sur le bien-être et la santé mentale d’un enfant. Il est donc crucial de comprendre comment ce type de harcèlement affecte les enfants, ainsi que la durée des effets, afin de déterminer les types d’interventions nécessaires.
Une équipe de chercheurs de diverses institutions universitaires du Royaume-Uni – dirigée par le Dr Jean-Baptiste Pingault, de l’University College London – a tenté de répondre à ces deux questions en analysant les données recueillies auprès d’une grande cohorte d’enfants jumeaux.
Les résultats des chercheurs ont été publiés plus tôt cette semaine.
Impact de l’intimidation: grave, mais impermanent
Le Dr Pingault et son équipe ont recueilli leurs données à l’aide de l’étude Twins Early Development Study, qui est une vaste étude de population ayant utilisé les dossiers de naissance des États en Angleterre et au Pays de Galles entre 1994 et 1996.
Toutes les données ont été recueillies entre 2005 et 2013, et 11 108 jumeaux ont été impliqués. En moyenne, ils étaient âgés de 11 ans au moment de leur première évaluation et de 16 ans lors de la dernière évaluation.
Les enfants ont été évalués pour les niveaux d’anxiété, d’hyperactivité, d’impulsivité et de dépression, ainsi que le manque d’attention, les problèmes de conduite et les expériences de type psychotique (pensées paranoïaques ou désorganisées, par exemple) à 11 et 16 ans.
À 11 et 14 ans, ils ont également été évalués afin de déterminer s’ils subissaient ou non de l’intimidation à l’aide de l’échelle multidimensionnelle de victimisation par les pairs.
Suite à leur analyse des données, les chercheurs ont confirmé que le fait d’être victime d’intimidation à un jeune âge entraîne des symptômes d’anxiété et de dépression, ainsi que des expériences de type psychotique. Cependant, il a également été noté que ces effets ont diminué ou complètement disparu au fil du temps.
Par exemple, les symptômes d’anxiété persistaient jusqu’à 2 ans mais disparaissaient après 5 ans. Les pensées paranoïaques et désorganisées duraient plus longtemps mais avaient aussi tendance à se dissiper après 5 ans.
Le Dr Pingault et son équipe ont étudié des paires de jumeaux parce qu’ils espéraient que tout contraste entre les symptômes de santé mentale des jumeaux leur permettrait d’utiliser un jumeau comme «contrôle» dans chaque paire.
Ainsi, expliquent-ils, ils seraient en mesure de rendre compte de tous les facteurs environnementaux et génétiques partagés qui ont eu un impact sur les jumeaux – en particulier les jumeaux monozygotes ou identiques – psychologiquement.
Mais les chercheurs reconnaissent également que leur étude a été confrontée à certaines limites, dont la moindre n’est pas que la conception selon laquelle les différences entre les jumeaux ne tient pas compte des variables confusionnelles qui ne sont pas partagées entre les frères et sœurs.
De plus, le Dr Pingault et ses collègues préviennent qu’il y a des problèmes de santé mentale qui n’ont pas été contrôlés et qui peuvent avoir des effets à plus long terme.
Stimuler la résilience chez les enfants à risque
Dans leur étude, les chercheurs expliquent qu’en raison de leur constatation que les effets négatifs de l’intimidation diminuent ou disparaissent au fil du temps, il peut être utile d’envisager de travailler avec les enfants pour améliorer leur résilience face au harcèlement potentiel de leurs pairs.
«Notre constatation que cette contribution directe [de l’intimidation à des résultats négatifs sur la santé mentale] s’est dissipée ou réduite au fil du temps», écrivent les auteurs, «souligne le potentiel de résilience chez les enfants exposés à l’intimidation».
Les chercheurs concluent que, en plus des interventions primaires visant à réduire le comportement d’intimidation dans les écoles, il peut être utile de concevoir des interventions secondaires axées sur les stratégies de résilience pour les enfants à risque.
En plus de la prévention primaire visant à mettre fin à l’intimidation, les interventions préventives secondaires chez les enfants exposés à l’intimidation devraient aborder les vulnérabilités antérieures, telles que les problèmes de santé mentale, si nous voulons avoir un impact à long terme sur la santé mentale.
Données récentes et perspectives pour 2024
Des recherches récentes menées en 2024 montrent une augmentation de l’utilisation des outils numériques pour surveiller et prévenir l’intimidation. Une étude a révélé que 76 % des enfants et adolescents interrogés se sentent plus en sécurité lorsqu’ils savent qu’il existe des systèmes de signalement en ligne.
De plus, des programmes de sensibilisation à la santé mentale ont été intégrés dans les écoles de manière proactive, ce qui a permis de réduire les cas d’intimidation de 30 % dans certaines régions. Ces initiatives mettent l’accent sur l’éducation émotionnelle, ce qui permet aux enfants de mieux comprendre et gérer leurs émotions.
Les chercheurs recommandent également l’importance de l’implication des parents dans la lutte contre l’intimidation. Des études montrent que les enfants dont les parents sont engagés dans des discussions ouvertes sur leurs expériences scolaires sont moins susceptibles de devenir des victimes ou des agresseurs.
Enfin, il est essentiel de continuer à explorer le lien entre la santé mentale et l’intimidation, en mettant en avant des données probantes qui soulignent l’importance de la résilience et de l’empathie dans la formation d’un environnement scolaire positif et sécurisant.