Les normes sociétales et les médias influencent fortement notre perception des orgasmes féminins. Pourtant, les recherches révèlent que les préférences sexuelles et les expériences d’orgasme des femmes varient considérablement.
L’orgasme féminin est souvent considéré comme le sommet de la satisfaction sexuelle, mais de nombreuses femmes n’atteignent cet état qu’à partir de leurs 20 ou même 30 ans. De plus, le pourcentage de femmes déclarant avoir un orgasme presque systématiquement durant les rapports sexuels est en déclin.
Les attentes sociales entourant l’orgasme féminin peuvent être particulièrement pesantes pour celles qui ne ressentent pas toujours cette satisfaction. Lorsque l’on ajoute les représentations du sexe dans les médias, l’écart entre l’attente et la réalité devient encore plus marqué.
Léa J. Séguin, de l’Université du Québec à Montréal, a étudié la représentation des orgasmes féminins dans la pornographie conventionnelle. Dans un échantillon de 50 clips vidéo populaires, seulement 18,3 % des femmes atteignaient l’orgasme, et la stimulation clitoridienne ou vulvaire n’apparaissait que dans 25 % des cas.
Un sondage récent a révélé que 53 % des hommes et 25 % des femmes aux États-Unis avaient visionné de la pornographie au cours de l’année écoulée. Séguin souligne que « la pornographie traditionnelle favorise et perpétue de nombreuses attentes irréalistes concernant l’orgasme des femmes ».
Alors, que nous apprennent les recherches scientifiques sur les orgasmes féminins, en mettant de côté la stigmatisation et les fantasmes véhiculés par les médias ? Quel rôle joue le clitoris, et surtout, que souhaitent réellement les femmes pour atteindre la satisfaction sexuelle ?
L’orgasme féminin dans la recherche
Une étude menée par le professeur Osmo Kontula à l’Institut de recherche démographique en Finlande a interrogé plus de 8 000 femmes sur leurs expériences sexuelles. La majorité des femmes de moins de 35 ans ont rapporté avoir connu leur premier orgasme par la masturbation, avec un quart d’entre elles atteignant cet orgasme avant 13 ans.
En revanche, l’âge moyen du premier rapport sexuel était de 17 ans, et seulement un quart des participantes avaient atteint l’orgasme durant leur première année d’activité sexuelle. Pour beaucoup d’autres, cela a pris bien plus de temps, illustrant que les rapports sexuels ne garantissent pas toujours l’orgasme.
Kontula a noté qu’en 2015, seulement 6 % des femmes affirmaient avoir toujours un orgasme lors de rapports sexuels péniens-vaginaux, tandis que 40 % l’atteignaient presque toujours, et 38 % rarement. Depuis 1999, le pourcentage de femmes déclarant avoir un orgasme systématiquement a chuté de 56 % à 46 %.
Pour comprendre ce qui aide ou entrave les femmes à atteindre l’orgasme, Kontula a approfondi ses recherches.
La recette de l’orgasme
D’après le professeur Kontula, « les facteurs clés pour des orgasmes féminins plus fréquents sont liés à l’esprit et à la relation ». Il souligne que l’estime de soi sexuelle, le désir, et la communication ouverte avec le partenaire jouent des rôles cruciaux.
Une estime de soi positive inclut la perception de ses compétences sexuelles et la capacité à se concentrer sur le moment présent, ce qui est essentiel pour initier des rapports sexuels mutuels efficaces.
Fait intéressant, tandis que plus de 50 % des femmes en couple affirment atteindre habituellement l’orgasme, ce chiffre tombe à 40 % pour les femmes célibataires.
Kontula met également en avant la diversité des expériences et préférences sexuelles chez les femmes, notant que « les résultats de cette étude montrent des variations significatives entre les femmes quant à leur tendance et capacité à éprouver des orgasmes ».
Les principales raisons empêchant les femmes d’atteindre l’orgasme incluent la fatigue, le stress, et la difficulté à se concentrer. Kontula avance que le rationalisme, exacerbé par les attentes sociales et les médias, pourrait nuire à l’expérience orgasmique.
« Le rationalisme excessif est l’ennemi de l’orgasme : la pensée doit s’éteindre pour que l’orgasme se produise », conclut-il.
Le pouvoir de l’esprit
Une étude récente impliquant 926 femmes a exploré comment les pensées influencent le plaisir sexuel. Les résultats montrent que des pensées d’« échec sexuel » ou l’absence de pensées érotiques pendant les rapports peuvent avoir un impact négatif sur l’orgasme.
En revanche, des pensées érotiques sont connues pour accroître l’excitation sexuelle. Nan J. Wise, Ph.D., a étudié les zones cérébrales activées par des pensées érotiques, révélant que l’imagination de la stimulation clitoridienne et des mamelons pouvait activer différentes régions du cerveau.
Lorsque les participantes imaginaient utiliser un dildo, des zones cérébrales liées au processus de stimulation génitale et à l’orgasme étaient également activées, indiquant que l’esprit joue un rôle majeur dans l’excitation sexuelle.
Stimulation clitoridienne et l’orgasme
Le débat sur le rôle du clitoris dans l’orgasme féminin est toujours d’actualité. Comme discuté dans notre précédent article, la question de savoir si l’orgasme peut être atteint par la stimulation vaginale sans aucune implication du clitoris est centrale dans la recherche.
Cependant, il est clair que les femmes savent comment le clitoris s’intègre dans leur expérience orgasmique. Une étude menée par le professeur Debby Herbenick a révélé que 36,6 % des femmes avaient besoin d’une stimulation clitoridienne pour atteindre l’orgasme, tandis que 36 % ont déclaré qu’elle améliorait leur expérience, même si elle n’était pas essentielle.
Herbenick a également interrogé les femmes sur leurs préférences en matière de stimulation clitoridienne, indépendamment de sa nécessité pour l’orgasme. Deux tiers des femmes préféraient une stimulation clitoridienne directe, avec des mouvements verticaux, circulaires et latéraux étant les plus populaires.
Cette diversité des préférences souligne qu’il n’existe pas de solution unique à l’orgasme féminin, comme l’a confirmé une autre étude du professeur Herbenick.
Ce que veulent les femmes
Dans le cadre de ses recherches, le professeur Herbenick a demandé à 1 046 femmes et 975 hommes aux États-Unis d’évaluer une liste de comportements sexuels selon leur attractivité. Les résultats ont révélé que les 10 comportements les plus attrayants pour les femmes étaient :
- rapports vaginaux – 69,9 %
- câlins plus fréquents – 62,8 %
- s’embrasser davantage pendant les rapports – 49,3 %
- dire des choses douces pendant le sexe – 46,6 %
- donner ou recevoir un massage avant les rapports – 45,9 %
- avoir des relations sexuelles affectueuses – 45,4 %
- avoir des rapports sexuels oraux – 43,3 %
- regarder un film romantique – 41,9 %
- rendre l’environnement plus romantique – 41,3 %
- porter des sous-vêtements sexy – 41,2 %
De plus, 40,4 % des femmes ont déclaré qu’avoir des rapports sexuels plus souvent était très attrayant. Il est important de noter qu’aucune catégorie n’a été jugée peu attrayante par toutes les femmes. Par exemple, bien que la majorité des participantes n’aient pas trouvé très attirante l’idée de regarder des vidéos érotiques, 11,4 % l’ont fait.
Bien qu’il n’y ait pas de différences significatives dans l’évaluation des catégories par les hommes et les femmes, certains comportements étaient clairement plus prisés par les hommes, tels que le sexe anal et le voyeurisme.
Alors, quelle est la clé pour harmoniser ces différences d’intérêt entre partenaires sexuels ?
La communication au cœur de la question
Cela peut sembler évident, mais lorsque l’on examine la recherche sur le comportement sexuel et la satisfaction, la communication émerge comme un thème central. Que ce soit pour exprimer des désirs, des préférences ou des préoccupations, ceux qui communiquent ouvertement avec leur partenaire rapportent plus d’orgasmes et se sentent moins frustrés sexuellement.
Le sexe est intimement lié au bonheur. Être à l’aise avec ses propres préférences sexuelles et avoir un partenaire qui les partage et les valorise sont des ingrédients essentiels dans la recette de la satisfaction sexuelle.
Perspectives actuelles sur l’orgasme féminin
À l’approche de 2024, des études récentes continuent d’explorer le phénomène complexe de l’orgasme féminin. De nouvelles recherches mettent en avant l’importance de la santé mentale et émotionnelle dans l’expérience orgasmique. Par exemple, une étude récente a révélé que les femmes qui se sentent bien dans leur peau et qui entretiennent des relations saines sont plus susceptibles d’atteindre l’orgasme.
Par ailleurs, des données émergentes suggèrent que les facteurs culturels, tels que l’éducation sexuelle et l’ouverture à la communication sur le sujet, jouent un rôle significatif dans la capacité des femmes à atteindre l’orgasme. En effet, les femmes ayant reçu une éducation sexuelle positive et inclusive rapportent une satisfaction sexuelle plus élevée.
En somme, l’orgasme féminin est un sujet d’une grande richesse, mêlant des éléments physiologiques, psychologiques et socioculturels. Pour les femmes, comprendre leurs propres corps et communiquer avec leurs partenaires restent des clés fondamentales pour une vie sexuelle épanouie.