« Nourrissez-vous d’un rhume, affamez la fièvre », dit le proverbe. Cependant, les résultats d’une étude récente suggèrent que « traiter un rhume, affamer les cellules cancéreuses » pourrait être une devise plus appropriée.
Les chercheurs ont découvert qu’un médicament utilisé pour soulager les symptômes du rhume – la N-acétylcystéine (NAC) – pourrait également jouer un rôle clé dans la prévention de la croissance des cellules cancéreuses en leur retirant des protéines essentielles à leur survie.
Le professeur Federica Sotgia, co-auteur de l’étude à l’École de l’environnement et des sciences de la vie de l’Université de Salford au Royaume-Uni, et son équipe ont récemment publié leurs résultats dans une revue scientifique de renom.
Le cancer reste l’un des plus grands défis de santé publique de notre époque. Aux États-Unis, plus de 1,6 million de nouveaux cas de cancer ont été diagnostiqués l’année dernière, un chiffre qui ne cesse d’augmenter.
En matière de traitement, des avancées significatives ont été réalisées au cours des dernières décennies, comme en témoignent les taux de mortalité qui ont chuté de 13 % entre 2004 et 2013.
Malgré ces progrès, le cancer continue de faire plus d’un demi-million de victimes chaque année aux États-Unis, soulignant l’urgence de développer des thérapies plus efficaces.
Le professeur Sotgia et ses collègues espèrent que leurs recherches contribueront à la mise au point de nouveaux traitements, ayant révélé comment la NAC pourrait inhiber la propagation des cellules cancéreuses.
NAC, stress oxydatif et cellules cancéreuses
La NAC, parfois appelée acétylcystéine, est un médicament en vente libre et un complément alimentaire fréquemment utilisé pour atténuer certains symptômes du rhume et de la grippe, tels que la toux, la respiration sifflante et un mucus épais.
En plus de cela, la NAC est utilisée dans le traitement des surdoses d’acétaminophène, de la fibrose kystique et de la maladie pulmonaire obstructive chronique.
Ce médicament possède également des propriétés antioxydantes, ce qui lui permet de réduire les dommages cellulaires causés par le stress oxydatif, ce déséquilibre entre les espèces réactives de l’oxygène et les molécules détoxifiantes.
Des études antérieures ont montré que des niveaux élevés de stress oxydatif sont présents dans les cellules stromales des tumeurs, en particulier celles liées au cancer du sein. Ces cellules stromales, qui comprennent le tissu conjonctif, jouent un rôle crucial dans le microenvironnement tumoral.
Les chercheurs expliquent qu’une exposition au stress oxydatif entraîne la libération de lactate et d’autres nutriments nécessaires à la croissance des cellules cancéreuses.
Ainsi, l’équipe a émis l’hypothèse que les propriétés antioxydantes de la NAC pourraient « affamer » les cellules cancéreuses de ces nutriments essentiels.
« Des résultats encourageants »
Pour tester cette hypothèse, les chercheurs ont mené un essai clinique sur 12 femmes récemment diagnostiquées avec un cancer du sein de stade 0 ou 1, en attente d’une intervention chirurgicale.
Pendant une période de trois semaines entre le diagnostic et la chirurgie, chaque patiente a reçu de la NAC. Le médicament a été administré par voie intraveineuse à une dose de 150 mg par kilogramme, une fois par semaine. Les jours sans administration intraveineuse, une dose orale de 600 mg était donnée deux fois par jour.
Des biopsies des tumeurs ont été prélevées avant et pendant la chirurgie, et les chercheurs ont analysé les niveaux de trois biomarqueurs associés à l’agressivité du cancer : MCT4, CAV1 et Ki67.
Les résultats ont montré une diminution de 25 % des niveaux de Ki67 dans les tumeurs, tandis que ceux de MCT4 ont chuté de 80 %.
Ces résultats suggèrent que le traitement par la NAC pourrait constituer une approche peu coûteuse et non toxique pour stopper la croissance et la division des cellules cancéreuses.
« Des niveaux élevés de MCT4 dans les cellules stromales sont préoccupants », déclare le co-auteur Michael Lisanti, également de l’École de l’environnement et des sciences de la vie de l’Université de Salford. « Ils sont liés à un comportement agressif du cancer et à une faible survie globale, ce qui rend ce résultat très prometteur. »
« Notre objectif était de rediriger un médicament peu coûteux approuvé par la FDA pour explorer si ses propriétés antioxydantes pouvaient cibler le comportement alimentaire des cellules cancéreuses. Inhiber l’expression de la protéine MCT4 de manière non toxique représente un grand avancement », conclut le Prof. Michael Lisanti.
Perspectives de recherche de 2024
À l’approche de 2024, il est essentiel d’explorer davantage le potentiel de la NAC dans le traitement du cancer. Des études récentes ont mis en évidence des mécanismes supplémentaires par lesquels la NAC pourrait inhiber la progression tumorale, notamment en modulant les voies de signalisation cellulaires liées à la résistance aux traitements.
De plus, la combinaison de la NAC avec d’autres agents thérapeutiques pourrait ouvrir de nouvelles avenues pour surmonter la résistance des cellules cancéreuses aux traitements classiques. Des essais cliniques en cours examineront cette approche combinatoire pour évaluer son efficacité et sa sécurité.
Enfin, la recherche sur les biomarqueurs spécifiques permettra de mieux cibler les thérapies, maximisant ainsi les bénéfices pour les patients. Les implications de ces découvertes pourraient transformer le paysage du traitement du cancer et améliorer les résultats cliniques pour de nombreux patients.