Risques de cancer du poumon liés aux suppléments de vitamine B

Bien que les suppléments de vitamine B soient souvent vantés pour leur capacité à booster l’énergie et optimiser le métabolisme, une étude récente soulève des préoccupations majeures. En effet, des doses élevées de certaines vitamines B sont liées à un risque accru de cancer du poumon, particulièrement chez les hommes fumeurs.

Illustration du cancer du poumon

Le cancer du poumon se classe comme le cancer le plus fréquemment diagnostiqué à travers le monde, avec environ 1,61 million de nouveaux cas en 2008. Il demeure également la principale cause de décès par cancer, avec 1,38 million de décès la même année.

Traditionnellement, les vitamines B, telles que la B-6, la B-9 (folates) et la B-12, sont perçues comme des alliées dans la lutte contre le cancer, entre autres bénéfices. Toutefois, des études récentes suggèrent que leur consommation à des niveaux trop élevés sur une période prolongée pourrait inverser ces bénéfices.

Au cours des dernières années, plusieurs recherches ont tenté d’établir un lien entre l’apport en vitamines B et le cancer du poumon. Cependant, les résultats ont souvent été ambigus, en partie en raison de l’absence d’essais randomisés, de la courte durée des études et du nombre limité de cas analysés.

Une étude récente a néanmoins révélé une augmentation de 21 % du risque global de cancer associée aux suppléments de B-12 et de B-9, avec un accent particulier sur le cancer du poumon.

Le cancer du poumon et la vitamine B revisités

Un groupe de chercheurs de plusieurs institutions a récemment entrepris une analyse approfondie de cette association, réalisant l’étude la plus détaillée à ce jour.

Des scientifiques de l’Arthur G. James Cancer Hospital et de l’Institut de recherche Richard J. Solove de l’Université Comprehensive Cancer Center (OSUCCC) de Columbus, Ohio, se sont alliés au Centre de recherche sur le cancer Fred Hutchinson de Seattle et à l’Université nationale de Taiwan.

Leur recherche représente la première étude observationnelle prospective à explorer les effets de doses élevées à long terme des suppléments de B-6 et de B-12 sur le risque de cancer du poumon. Dirigée par Theodore Brasky, Ph.D., de l’OSUCCC, leurs résultats ont été publiés récemment.

Au total, les données de 77 118 participants ont été examinées. Ces derniers provenaient de la cohorte « Vitamins And Lifestyle », créée pour évaluer l’impact des suppléments de vitamines et de minéraux sur le cancer à long terme.

Tous les participants se sont inscrits dans l’État de Washington entre 2000 et 2002, âgés de 50 à 76 ans. Chaque individu a fourni des informations concernant leur utilisation de suppléments de vitamine B durant les dix années précédentes.

Lors d’un échange avec le Dr Brasky, il a déclaré : « Contrairement à de nombreuses études antérieures, nous avons pu recueillir des données sur la fréquence, la durée et la dose d’utilisation des suppléments dans la décennie précédant l’étude. »

Avant l’analyse, les données ont été ajustées pour plusieurs facteurs, notamment le tabagisme, la race, l’âge, le niveau d’éducation, l’indice de masse corporelle, ainsi que les antécédents personnels de cancer ou de maladies pulmonaires chroniques.

L’utilisation massive de vitamine B augmente le risque de cancer du poumon

Les résultats ont montré que des doses élevées de B-6 et de B-12 (bien au-delà des apports recommandés) sur une période de dix ans augmentent le risque de cancer du poumon chez les fumeurs. En revanche, aucune association n’a été établie avec la vitamine B-9 (folate) ou chez les femmes.

Les hommes consommant 20 milligrammes de B-6 par jour pendant dix ans présentent un risque trois fois supérieur de développer un cancer du poumon. De même, ceux qui prennent 55 microgrammes de B-12 par jour durant la même période ont environ quatre fois plus de chances de contracter la maladie.

Bien que ces conclusions soient inquiétantes, le Dr Brasky souligne que « ces doses ne peuvent être atteintes qu’avec des suppléments de vitamine B à haute dose, qui dépassent largement les recommandations nutritionnelles des États-Unis. »

Interrogé sur sa réaction face à ces résultats, le Dr Brasky a répondu : « Je ne pense pas que nous ayons été surpris par la direction de l’association, compte tenu du contexte de la littérature existante. Il est souvent observé qu’il existe des associations en forme de U entre nutrition et maladie. »

Il a également commenté la taille de l’effet observé : « Concernant l’ampleur de l’association, notre réaction pourrait être qualifiée de préoccupante, surtout si l’on considère la prévalence de ces suppléments, ce qui signifie que nos résultats sont particulièrement pertinents pour les hommes fumeurs. »

Theodore Brasky, Ph.D.

Il a poursuivi en expliquant que « la consommation de tabac est un facteur bien plus déterminant dans le développement du cancer du poumon, tant chez les hommes que chez les femmes. Les vitamines B-6 et B-12 pourraient simplement « favoriser ou augmenter la probabilité de carcinogenèse pulmonaire chez les fumeurs masculins. »

Les mécanismes par lesquels les vitamines B influencent le risque de cancer ne sont pas encore entièrement compris, mais certains chercheurs avancent que cela pourrait être lié à leur interaction avec la voie du métabolisme monocarboné, essentielle pour maintenir l’intégrité de l’ADN et réguler l’expression génétique.

Bien que les vitamines B jouent un rôle critique dans ce métabolisme, des doses excessives pourraient compromettre cette voie, favorisant ainsi la cancérogenèse.

Les résultats de cette étude devraient inciter à des recherches supplémentaires sur des interactions similaires. En effet, le Dr Brasky travaille déjà sur d’autres analyses pour corroborer ces découvertes. Bien qu’un effet ait été détecté dans un sous-groupe spécifique – les hommes adultes plus âgés fumeurs – la large disponibilité et le faible encadrement des suppléments de vitamine B justifient une attention accrue sur ce sujet.

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