Les ancêtres des populations amérindiennes, s’étendant de la pointe du Chili au sud du Canada, ont migré d’Asie en au moins trois vagues distinctes, selon une étude internationale récente impliquant plus de 60 chercheurs dans 11 pays d’Amérique, ainsi que quatre en Europe et en Russie.
Cette recherche, considérée comme l’étude la plus exhaustive à ce jour sur la diversité génétique des Amérindiens, a analysé les variations des séquences d’ADN amérindiennes. Les résultats montrent que, bien que la majorité des populations amérindiennes descendent principalement d’une première migration, deux autres vagues ont également apporté une contribution génétique significative.
La première migration, à l’origine de la majorité des populations amérindiennes, a été réalisée par un groupe que l’on appelle les « premiers Américains ». Ces derniers ont traversé un pont terrestre, nommé Beringia, qui existait pendant les périodes glaciaires, il y a plus de 15 000 ans, comme l’a indiqué le professeur Andres Ruiz-Linares, coordonnateur de l’étude et membre du département de génétique, d’évolution et d’environnement de l’University College London (UCL) au Royaume-Uni.
Les derniers migrants sont probablement arrivés par voie maritime, après la disparition du pont terrestre à la fin des âges glaciaires.
Dans un communiqué de presse, Ruiz-Linares a souligné qu’il y avait eu un débat de longue date sur l’origine du peuplement des Amériques : une ou plusieurs migrations venant de Sibérie. « Notre recherche tranche ce débat : les Amérindiens ne proviennent pas d’une seule migration. Elle commence aussi à éclairer les schémas de dispersion humaine dans les Amériques », a-t-il ajouté.
Les résultats corroborent les idées de Joseph Greenberg, un linguiste qui, en 1986, a suggéré que l’Amérique avait été peuplée en trois vagues migratoires.
Pour mener à bien cette étude, les chercheurs ont scruté plus de 300 000 marqueurs d’ADN spécifiques, appelés « snips » (SNP, Single Nucleotide Polymorphisms), provenant de 52 groupes amérindiens et 17 groupes sibériens, afin d’identifier des modèles de gènes similaires et différents.
Le co-auteur de l’étude, David Reich, professeur de génétique à la Harvard Medical School, a déclaré avoir identifié au moins trois « lignées profondes » :
« La lignée asiatique menant aux premiers Américains est la plus ancienne, tandis que les lignées asiatiques ayant contribué à l’ADN des locuteurs eskimo-aléoutes et des Chipewyans parlant le Na-Dene du Canada sont plus étroitement liées aux populations actuelles d’Asie de l’Est », a précisé Reich.
Il ressort que 50 % de l’ADN des locuteurs eskimo-aléoutes provient des premiers Américains, alors que chez les Chipewyans parlant le Na-Dene, 90 % de leur ADN est d’origine des premiers Américains.
L’analyse a également révélé qu’une fois ces vagues migratoires arrivées en Amérique, les groupes se sont étendus vers le sud, suivant le littoral et se divisant tout au long de leur parcours. Après leur séparation, les groupes ont peu interagi, surtout ceux qui se sont installés en Amérique du Sud.
Cependant, bien que le non-mélange ait semblé être la norme après la dispersion, les chercheurs ont identifié deux exceptions notables. L’une d’elles met en lumière un remélange Nord-Sud et l’autre un remélange Ouest-Est.
Concernant le remélange Nord-Sud, il semble avoir eu lieu une migration de retour de l’Amérique du Sud vers le nord, ce qui se reflète dans les génomes des locuteurs d’Amérique centrale, qui présentent l’ADN de deux lignées d’ascendance autochtone.
Pour le remélange Ouest-Est, il semble que certains locuteurs eskimo-aléoutes aient migré vers l’Asie, car les génomes des populations de Naukan et des côtes de Tchoukotka, dans le nord-est de la Sibérie, montrent une empreinte génétique des « premiers Américains ».
L’analyse n’a pas été simple, car les chercheurs ont dû développer des méthodes pour écarter les gènes des populations européennes et africaines qui ont commencé à arriver dans les Amériques à partir de la fin du XVe siècle.
Ruiz-Linares a déclaré qu’ils avaient réussi à élaborer une méthode pour « décoller » l’ajout de ces gènes, permettant ainsi d’étudier l’histoire d’un plus grand nombre de populations amérindiennes qu’il n’aurait été possible autrement.
L’équipe de recherche a rassemblé des scientifiques d’Argentine, de Bolivie, de Brésil, du Canada, du Chili, de Colombie, du Costa Rica, de France, du Guatemala, du Mexique, du Pérou, de Russie, d’Espagne, de Suisse, du Royaume-Uni et des États-Unis.
### Nouvelles Perspectives sur les Migrations Amérindiennes en 2024
Depuis la publication de cette étude, de nouvelles recherches ont continué d’éclairer le fascinant tableau de l’histoire génétique des Amérindiens. Des études récentes ont mis en lumière des méthodologies avancées pour l’analyse de l’ADN ancien, permettant une compréhension plus fine des interactions entre les différentes vagues migratoires. Par exemple, des découvertes récentes dans les régions côtières de l’Amérique du Sud ont révélé des traces d’ADN qui suggèrent des contacts plus anciens que prévu avec des populations asiatiques, ce qui pourrait redéfinir notre compréhension des routes migratoires.
En outre, une étude de 2024 a examiné l’impact des changements environnementaux sur les migrations, montrant que les fluctuations climatiques ont joué un rôle crucial dans la direction et la nature des mouvements des populations. Ces données renforcent l’idée que la migration n’est pas un phénomène linéaire, mais un processus dynamique influencé par de nombreux facteurs.
Ces avancées soulignent l’importance de continuer à explorer notre passé génétique pour mieux comprendre la diversité actuelle des peuples amérindiens et leur résilience face aux défis contemporains.