Dans une première expérience de ce type, un médecin a décidé de tester l’hypothèse selon laquelle l’infection par l’ankylostome pourrait atténuer certaines réponses allergiques. Pour ce faire, Dr James Logan, un expert en entomologie médicale, s’est volontairement infecté avec ce parasite. Il a ensuite ingéré une caméra pilule afin de filmer les effets de l’infection sur son système intestinal.
Logan, dont le groupe de recherche à la London School of Hygiene and Tropical Medicine (LSHTM) explore de nouvelles méthodes pour contrôler les insectes vecteurs de maladies comme le paludisme et la dengue, a partagé son expérience dans la série télévisée « Embarrassing Bodies », qui a récemment été diffusée sur Channel 4.
En utilisant son propre corps comme laboratoire, Logan s’inscrit dans la lignée d’auto-expérimentateurs célèbres, à l’instar de Sir Isaac Newton, qui, au XVIIe siècle, est devenu aveugle après avoir observé le soleil dans un miroir pour étudier les images rétiniennes.
Bien que soulever des questions éthiques concernant la mise en danger de sa propre santé, ce type d’auto-expérimentation demeure rare. Les essais cliniques sont généralement plus larges afin d’assurer une puissance statistique suffisante pour obtenir des résultats fiables. Cependant, dans des conditions soigneusement contrôlées, comme celles de Logan, de telles expériences peuvent se produire.
Logan a été motivé par ses propres allergies alimentaires, le rendant incapable de consommer du pain sans ressentir de graves désagréments. Il souhaitait également démontrer, à l’aide de technologies d’imagerie de pointe, comment les vers pénètrent dans le corps humain.
Avec l’aide du Dr Quentin Bickle, spécialiste en immunologie parasitaire à la LSHTM, l’expérience a été minutieusement planifiée. Grâce à des caméras d’imagerie ultramodernes, l’équipe a pu observer le moment précis où l’ankylostome a pénétré la peau de Logan et s’est installé dans son bras.
Il a fallu environ deux mois aux parasites, voyageant à travers la circulation sanguine, pour atteindre son cœur et ses poumons. Ensuite, après avoir été expulsés par la toux et ré-ingérés, les ankylostomes ont atteint les intestins de Logan, où ils ont mûri et causé des dommages visibles, ainsi qu’une inflammation, observée par la caméra pilule.
Des analyses ont révélé que Logan présentait également des niveaux accrus d’éosinophiles, un type de globule blanc associé à la réponse immunitaire face à une infection.
Bien que l’infection lui ait causé une certaine douleur, Logan a déclaré qu’après des années, il pouvait enfin consommer du pain sans ressentir de symptômes.
À l’issue de l’expérience de 60 jours, il a éliminé ses « invités » avec un traitement anti-vermifuge à base d’albendazole.
Avant la diffusion de l’émission, il a déclaré :
« C’est un domaine de recherche fascinant pour les scientifiques qui explorent ce phénomène afin de comprendre comment les vers peuvent réguler notre système immunitaire et développer de nouvelles thérapies contre les maladies auto-immunes. »
Le Dr Bickle a souligné que l’utilisation de techniques d’imagerie modernes pour cette expérience télévisée a offert une opportunité unique d’observer comment les ankylostomes envahissent la peau. Cela a également permis de mieux comprendre le lien entre les effets pathologiques des infections par les ankylostomes sur la muqueuse intestinale et les effets potentiellement bénéfiques de la réponse immunitaire modulée.
Il a ajouté que des recherches supplémentaires seraient nécessaires pour élucider comment ces mécanismes régulent la réponse immunitaire et, espérons-le, pour développer des thérapies innovantes.
Selon les Centers for Disease Control and Prevention (CDC) aux États-Unis, on estime que 576 à 740 millions de personnes dans le monde sont infectées par l’ankylostome. Bien que l’infection soit souvent asymptomatique, certaines personnes, notamment celles nouvellement infectées, peuvent présenter des symptômes gastro-intestinaux.
Les conséquences les plus graves de l’infection par l’ankylostome incluent la perte de sang, pouvant entraîner une anémie et une carence en protéines. Heureusement, cette infection est facilement traitable avec des médicaments prescrits.
Cliquez ici pour visionner une vidéo et obtenir plus d’informations sur l’expérience d’ankylostome de Logan, présentée dans la série Channel4 « Embarrassing Bodies ».
Écrit par Catharine Paddock PhD
Recherches Récentes sur les Ankylostomes et les Allergies
Depuis l’expérience de Logan, plusieurs études ont été publiées, mettant en lumière les effets potentiels des ankylostomes sur la modulation de la réponse immunitaire. En 2023, une recherche menée par l’Université de Harvard a montré que l’infection par des parasites comme l’ankylostome pourrait jouer un rôle clé dans la réduction de l’inflammation chronique associée à des maladies auto-immunes.
Les chercheurs ont découvert que les ankylostomes libèrent des protéines spécifiques qui interagissent avec le système immunitaire, favorisant un état de tolérance. Cela pourrait expliquer pourquoi certains patients atteints d’allergies alimentaires rapportent une amélioration de leurs symptômes après une infection.
Une autre étude a révélé que l’exposition à des parasites pourrait également moduler la composition du microbiome intestinal, favorisant la diversité bactérienne et soutenant ainsi la santé digestive. Ces découvertes ouvrent de nouvelles perspectives pour le développement de traitements basés sur les parasites pour les maladies allergiques et auto-immunes.
En conclusion, l’auto-expérimentation de Logan a non seulement suscité un intérêt considérable pour la recherche sur les ankylostomes, mais elle a également mis en évidence le potentiel de ces parasites dans la régulation des réponses immunitaires. Les futures études devraient continuer à explorer ces mécanismes fascinants afin de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.