Le concept de la thérapie par cellules souches peut sembler simple : prélever des cellules chez un donneur et les implanter chez un patient pour traiter une maladie ou une blessure. Cependant, la réalité est bien plus complexe que ce rêve initial.
La médecine régénérative utilise des cellules, des biomatériaux et des molécules pour restaurer les structures du corps qui ne fonctionnent pas correctement à cause d’une maladie ou d’une blessure.
Ce qui distingue la médecine régénérative des traitements traditionnels, c’est son approche axée sur la cause profonde de la maladie, plutôt que sur les symptômes. Elle vise à remplacer des cellules ou organes perdus, ou à corriger des gènes défectueux.
L’attrait de la médecine régénérative repose sur sa promesse de redéfinir le traitement médical, plaçant les cellules souches et les biomatériaux au cœur de cette révolution. De nombreuses avancées ont été rapportées et célébrées dans les revues scientifiques au fil des ans.
Cependant, le nombre de traitements de médecine régénérative appliqués dans le cadre médical reste décevant, et un panel d’experts a dénoncé ce manque de progrès dans un rapport publié récemment.
Selon le Prof. Giulio Cossu, de la Division des cellules et de la biologie matricielle et de la médecine régénérative à l’Université de Manchester, seules quelques avancées ont été réalisées. De plus, des cliniques privées profitent de l’espoir désespéré des patients en proposant des thérapies non éprouvées.
Pourquoi tant de promesses de nouvelles thérapies ont-elles échoué ? Et que faudra-t-il pour que la société puisse bénéficier de l’immense potentiel de la médecine régénérative ?
Qu’est-ce que la médecine régénérative ?
Les experts affirment que la médecine régénérative « vise à remplacer ou réparer les cellules humaines, ou régénérer les tissus ou les organes pour rétablir la fonction normale. » En mettant l’accent sur le « fonctionnement normal », cette approche se distingue des traitements traditionnels qui ne font souvent que masquer les symptômes.
«Les thérapies cellulaires et la médecine régénérative peuvent véritablement améliorer la santé des patients. Elles représentent un changement radical dans les soins de santé en s’attaquant aux causes sous-jacentes des maladies en réparant, remplaçant ou régénérant les cellules endommagées».
Prenons l’exemple d’une personne atteinte de diabète de type 1, qui ne peut pas produire d’insuline. Elle doit recourir à des injections quotidiennes d’insuline pour maintenir un taux de sucre sanguin normal.
La médecine régénérative vise à résoudre ce problème en régénérant les îlots de Langerhans, permettant ainsi à l’individu de produire sa propre insuline. Cela réduirait la nécessité d’injections et restaurerait un métabolisme normal.
Bien que le traitement du diabète de type 1 ne soit pas encore une réalité, certains domaines de la médecine régénérative sont déjà bien établis dans la pratique médicale.
Premiers succès
La première forme de thérapie cellulaire que nous connaissons est la transfusion sanguine, une pratique courante dans la majorité des établissements de santé aujourd’hui.
Par la suite, les greffes de moelle osseuse ont permis aux patients souffrant de lésions radio-induites ou de cancers du sang de produire de nouvelles cellules sanguines saines grâce aux cellules souches du donneur.
La thérapie cellulaire utilisant les propres cellules d’un patient est également appliquée dans le traitement des brûlures sévères, lorsque le patient ne dispose pas d’une quantité suffisante de peau saine pour une greffe.
Dans ce cas, les cellules cutanées sont isolées d’une petite biopsie et cultivées en laboratoire. Des millions de cellules peuvent ainsi être produites rapidement et transplantées sur la zone brûlée pour favoriser la guérison.
Malgré ces succès et l’engagement des scientifiques à développer de nouvelles thérapies, la médecine régénérative n’a pas encore intégré les pratiques médicales traditionnelles dans la plupart des domaines.
Selon le rapport, « il existe un potentiel considérable pour réduire le fardeau des maladies liées à des conditions courantes telles que les AVC, les maladies cardiaques, les troubles neurologiques progressifs, les maladies auto-immunes et les traumatismes. »
De plus, « en plus d’augmenter l’espérance de vie, les thérapies de médecine régénérative pourraient significativement améliorer la qualité de vie des patients atteints de maladies chroniques. »
Alors, qu’est-ce qui freine ces avancées ?
De la recherche à la pratique médicale
Une multitude de scientifiques à travers le monde consacre leurs efforts à développer des solutions de médecine régénérative pour les maladies et blessures courantes.
Au cours de l’année écoulée, une nouvelle technologie a été développée, permettant de pulvériser des biomatériaux sur des cœurs endommagés grâce à une chirurgie mini-invasive, ainsi qu’un facteur de croissance susceptible d’inverser l’ostéoporose. Des recherches sur des technologies de pointe permettant de transformer un type de cellule en un autre ont également été rapportées.
Cependant, la liste des produits de thérapie cellulaire et génique approuvés par la FDA demeure étonnamment courte, avec seulement 15 entrées à ce jour.
Selon les auteurs du rapport : « La thérapie cellulaire a produit des résultats cliniquement extraordinaires, sauvant des centaines de milliers de vies […] Cependant, de nombreuses thérapies cellulaires ont une efficacité limitée, variable ou transitoire. »
Le chemin de la recherche à la pratique médicale est long, car les organismes de santé, tels que la FDA, doivent être convaincus de la sécurité et de l’efficacité d’un nouveau traitement avant de l’approuver.
Les traitements de médecine régénérative sont souvent coûteux, nécessitant des installations de production spécialisées et un personnel hautement qualifié. Avec des budgets de santé tendus dans de nombreux pays, ces coûts élevés représentent un obstacle à l’accès à ces thérapies.
«D’énormes bénéfices pourraient découler de la médecine régénérative, mais à un coût très élevé, et l’abordabilité pourrait limiter leur mise en œuvre, même si des économies sur les coûts sont possibles», expliquent les experts.
« Alors que le marché se développe dans les prochaines décennies », poursuivent les auteurs du rapport, « il sera crucial de réfléchir à des moyens de rendre ces produits plus abordables et rentables pour le bénéfice des patients. »
Ce qui est indéniable, c’est l’énorme demande pour des solutions de médecine régénérative afin de répondre aux problématiques de santé courantes, et l’engagement des acteurs, grands et petits, des industries pharmaceutiques et des soins de santé dans le développement de nouvelles thérapies.
Malgré cela, les auteurs du rapport critiquent la manière dont certains exploitent les situations médicales souvent désespérées des patients.
Les patients sont-ils exploités ?
En août dernier, le commissaire de la FDA, Dr. Scott Gottlieb, a déclaré que « […] des acteurs malhonnêtes exploitent l’optimisme des patients concernant le potentiel clinique des produits correctement développés pour les tromper. »
Dans le cadre d’une répression visant à empêcher ces abus, la FDA a mis en garde une clinique de cellules souches en Floride pour avoir « commercialisé des produits de cellules souches sans l’approbation de la FDA. »
Dans ce cas, des cellules souches dérivées de la graisse ont été isolées et administrées aux patients par voie intraveineuse ou injectées directement dans la moelle épinière, sans aucune preuve scientifique ou médicale pour justifier ce type de traitement.
Il a aussi été constaté que la clinique ne respectait pas les directives de prévention de la contamination microbienne lors du traitement des cellules souches, mettant ainsi les patients à risque de recevoir des cellules contaminées.
« La question demeure : que faire pour protéger les patients désespérés qui dépensent des sommes considérables pour des traitements non prouvés ? », s’interrogent les experts.
Une réglementation stricte et des actions des autorités de santé contre les institutions offrant des produits non autorisés seront primordiales pour garantir la sécurité des patients.
Que réserve l’avenir ?
Les avancées scientifiques dans la recherche sur les cellules souches et la médecine régénérative sont souvent saluées comme des percées. Néanmoins, une percée dans la recherche ne se traduit pas toujours par une nouvelle thérapie, ce qui crée parfois un décalage entre les attentes du public et la vitesse de développement de nouveaux traitements.
Cependant, la médecine régénérative a un historique de succès, bien qu’il soit limité à un petit nombre de maladies.
«Des maladies plus complexes, comme le diabète ou l’infarctus du myocarde, nécessiteront des approches plus sophistiquées que celles disponibles actuellement pour avoir un impact clinique significatif», reconnaît le Prof. Giulio Cossu.
Néanmoins, ce dernier souligne le potentiel immense de la médecine régénérative. Il affirme : «De la première transfusion sanguine aux greffes de moelle osseuse, en passant par le clonage, le développement de vecteurs viraux, les cellules souches embryonnaires et, plus récemment, les cellules souches pluripotentes induites, l’édition du génome et les organoïdes, tout cela est très prometteur pour l’avenir.»
Ainsi, le concept fondamental reste inchangé : prélever des cellules d’un donneur, des biomatériaux ou des molécules – ou une combinaison de ces éléments – et les implanter dans un patient pour traiter sa maladie ou sa blessure.
Pour que la médecine régénérative s’intègre dans les pratiques médicales traditionnelles, il est crucial d’allier science de pointe et réglementation stricte avec des méthodes de fabrication innovantes qui rendent les traitements accessibles, tout en démontrant comment ils profitent au patient et à la société dans son ensemble.
Les experts concluent que «l’exploration est essentielle pour les entreprises et les universitaires afin de faire avancer le domaine, tout en équilibrant les risques, les coûts et les bénéfices potentiels».
« La manière dont nous avancerons sur ce nouveau terrain pourrait représenter le plus grand défi pour les chercheurs, les médecins, les patients, les régulateurs et la société dans son ensemble. »
Nouvelles recherches et perspectives pour 2024
Pour 2024, des avancées significatives sont attendues dans le domaine de la médecine régénérative. Par exemple, des études récentes ont montré que des thérapies géniques ciblées pourraient offrir des solutions prometteuses pour des maladies héréditaires, remplaçant ainsi des gènes défectueux par des versions fonctionnelles.
De plus, la recherche sur les cellules souches pluripotentes induites (iPS) continue de progresser, avec des essais cliniques en cours qui pourraient transformer le traitement de maladies dégénératives comme la maladie de Parkinson et la sclérose en plaques.
Les progrès dans les technologies d’impression 3D de tissus et d’organes pourraient également révolutionner la transplantation, réduisant ainsi la dépendance vis-à-vis des donneurs d’organes. Ces innovations pourraient permettre de créer des tissus sur mesure pour les patients, minimisant ainsi le risque de rejet et améliorant les résultats cliniques.
Enfin, la collaboration internationale entre chercheurs, cliniciens et entreprises privées est essentielle pour accélérer le développement de traitements sûrs et efficaces, tout en garantissant l’éthique et la sécurité des patients. En somme, l’avenir de la médecine régénérative est prometteur, mais nécessite un engagement collectif pour surmonter les défis qui persistent.