Tirer les cheveux, se ronger les ongles, cueillir la peau – ces comportements sont fréquents, mais souvent frustrants. Que révèlent-ils sur les individus qui en souffrent? Une équipe de chercheurs de l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal et de l’Université de Montréal, au Canada, s’est penchée sur cette question dans une étude récente.
«Les comportements chroniques tels que la trichotillomanie, la dermatillomanie et le bruxisme sont des gestes répétitifs centrés sur le corps. Bien qu’ils puissent causer une détresse significative, ils semblent également satisfaire un besoin et offrir un certain soulagement», explique Kieron O’Connor, l’enquêteur principal.
O’Connor et son équipe ont étudié 24 personnes présentant ces comportements et les ont comparées à 24 sujets témoins n’ayant pas de tels comportements.
Les participants ont rempli des questionnaires pour évaluer des émotions telles que l’ennui, la colère, la culpabilité, l’irritabilité et l’anxiété, et ont également participé à une évaluation clinique réalisée par téléphone.
Par la suite, ils ont été confrontés à différentes situations expérimentales, chacune visant à susciter l’une des quatre émotions suivantes :
- Stress
- Relaxation
- Frustration
- Ennui
Dans certaines de ces situations, les participants ont regardé des vidéos, allant d’un accident d’avion (stress) à des vagues sur une plage (relaxation). Pour induire la frustration, les chercheurs ont proposé une tâche qualifiée de « facile et rapide », qui s’est révélée en réalité longue et complexe. Pour provoquer l’ennui, les participants étaient simplement laissés seuls dans une pièce pendant six minutes.
L’équipe a observé qu’au cours des expériences d’ennui et de frustration, les sujets ayant des antécédents de comportements répétitifs ont exprimé un désir accru de s’engager dans ces comportements. En revanche, lors de l’expérience de relaxation, ils n’étaient pas plus enclins à se ronger les ongles ou à s’arracher les cheveux.
Selon les auteurs de l’étude – publiée dans le Journal of Behavioral Therapy and Experimental Psychiatry – ces résultats indiquent que les participants adoptent ces comportements en réponse à des états de stress, d’ennui ou de frustration, plutôt que de les considérer comme de simples habitudes « nerveuses ».
Les Comportements Répétitifs et le Perfectionnisme
O’Connor explique les conclusions de l’étude :
« Nous pensons que les individus présentant ces comportements répétitifs peuvent être perfectionnistes, c’est-à-dire qu’ils éprouvent des difficultés à se détendre et à accomplir des tâches à un rythme « normal ». Ils sont souvent frustrés, impatients et insatisfaits lorsqu’ils n’atteignent pas leurs objectifs, ce qui les expose à des niveaux d’ennui plus élevés. »
« Ces résultats suggèrent que les personnes souffrant de comportements répétitifs pourraient bénéficier de traitements visant à réduire la frustration et l’ennui, tout en modifiant leurs croyances perfectionnistes », conclut Sarah Roberts, première auteure de l’étude.
Une étude menée en 2006 par des chercheurs du Duke University Medical Center à Durham, en Caroline du Nord, a montré que des mutations génétiques pourraient être à l’origine de la trichotillomanie, un trouble caractérisé par l’arrachant compulsif des cheveux.
La trichotillomanie touche environ 3 à 5 % de la population générale et peut entraîner des zones visibles de calvitie. Les individus souffrant de ce trouble, souvent associés à l’anxiété, à la dépression, au trouble obsessionnel compulsif ou au syndrome de Tourette, cherchent rarement de traitement.
Les chercheurs de Duke ont identifié un lien entre deux mutations dans le gène SLITKR1 et la trichotillomanie, bien qu’ils précisent que ces mutations n’expliquent qu’un faible pourcentage des cas.
Cependant, les troubles du contrôle des impulsions sont souvent associés à l’éducation ou aux expériences de vie, ce qui rend ces résultats particulièrement significatifs, car ils offrent une base biologique pour expliquer ces comportements.
Perspectives de Recherche Future
Des recherches récentes soulignent l’importance de comprendre les mécanismes neurologiques sous-jacents à ces comportements. Des études sur l’imagerie cérébrale ont montré que certaines zones du cerveau, impliquées dans le contrôle des impulsions et la régulation des émotions, peuvent être altérées chez les personnes souffrant de ces troubles. Des approches thérapeutiques innovantes, telles que la thérapie cognitivo-comportementale et la pleine conscience, montrent également des promesses dans le traitement de ces comportements répétitifs.
En examinant des facteurs comme le perfectionnisme et en intégrant des techniques de gestion du stress, il est possible d’élaborer des stratégies de traitement plus efficaces, permettant ainsi aux individus de mieux gérer leurs émotions et de réduire les comportements nuisibles.