Une nouvelle étude d’imagerie cérébrale récente suggère que le taux élevé de rechute chez les fumeurs qui tentent d’arrêter pourrait être dû à une incapacité – provoquée par le retrait de la nicotine – à passer du réseau cérébral «par défaut» au réseau cérébral «contrôle exécutif».
Les chercheurs, de l’Université de Pennsylvanie à Philadelphie et de l’Institut national sur l’abus des drogues (NIDA) à Baltimore, MD, expliquent que lorsque le mode par défaut est engagé, les gens ont tendance à être dans des états introspectifs, souvent centrés sur eux-mêmes.
En revanche, l’engagement dans le réseau de contrôle exécutif les aide à exercer une retenue plus consciente sur les envies de fumer et à se concentrer sur l’établissement et l’atteinte des objectifs d’abandon.
Selon le NIDA, il y a 50 ans, le pourcentage d’Américains adultes qui étaient des fumeurs réguliers (42%) était plus de deux fois supérieur à ce qu’il est aujourd’hui (19%), ce qui constitue un succès significatif en santé publique.
Cependant, le rythme de cette baisse semble s’être ralenti, et le tabac demeure la principale cause de maladies et de décès aux États-Unis, où 8,6 millions de personnes souffrent d’une maladie liée au tabagisme, entraînant plus de 440 000 décès chaque année.
Il est indéniable que, tout en reconnaissant pleinement les dommages que le tabagisme inflige à la santé, de nombreux fumeurs luttent pour vaincre leur dépendance à la nicotine. Malgré des tentatives réussies pour abandonner, ils se retrouvent souvent à rechuter.
C’est pourquoi les études qui permettent d’identifier les personnes à risque de tabagisme persistant, tout en offrant des indices sur les raisons sous-jacentes, seront très utiles pour développer des traitements adaptés à ce groupe.
L’étude propose une base neurologique pour la rechute du tabagisme
Dans cette étude, les chercheurs avancent une explication neurologique qui pourrait expliquer pourquoi jusqu’à 80% des fumeurs qui tentent d’arrêter de fumer reprennent éventuellement l’habitude, en fonction du traitement qu’ils reçoivent.
Grâce à l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf), les chercheurs ont découvert que les fumeurs qui se sont abstenus de cigarettes (sevrage de nicotine) ont montré des connexions plus faibles entre certains réseaux, notamment le réseau par défaut, le réseau de contrôle exécutif et le réseau de saillance.
Ils suggèrent que ces connexions affaiblies réduisent leur capacité à évoluer vers une influence principalement issue du réseau de contrôle exécutif, ce qui les aiderait autrement à renforcer leur détermination et à maintenir leur capacité à résister aux envies de fumer.
L’auteur principal, le Dr Caryn Lerman, du programme Brain and Behavior Change de l’Université de Pennsylvanie, déclare :
« Nous pensons que cela signifie que les fumeurs qui viennent d’arrêter ont plus de mal à passer de leurs pensées intérieures à la compréhension de leur état extérieur et des tâches à accomplir. »
Pour leur étude, le Dr Lerman et ses collègues ont réalisé des IRMf sur 37 personnes en bonne santé âgées de 19 à 61 ans, qui fumaient 10 cigarettes ou plus par jour. Ils ont effectué deux séries de scans : un ensemble 24 heures après avoir cessé de fumer (état d’abstinence) et un autre ensemble après avoir fumé normalement (état repu).
Les connexions cérébrales des fumeurs étaient significativement plus faibles dans l’abstinence
Les IRMf effectuées durant l’état d’abstinence ont révélé des connexions significativement plus faibles entre le réseau de saillance et le réseau par défaut, comparativement à celles prises pendant l’état de repos.
Les chercheurs ont également constaté que la connectivité affaiblie pendant l’état d’abstinence était liée à des augmentations des symptômes de sevrage, des envies de fumer et des humeurs négatives. Ils suggèrent que cela pourrait expliquer pourquoi certaines personnes éprouvent des difficultés à cesser de fumer.
Bien que des études antérieures aient examiné comment la nicotine affecte les connexions cérébrales dans un état de repos, c’est la première à comparer la connectivité cérébrale au repos dans un contexte d’abstinence.
Le Dr Lerman précise que l’étude offre une explication neurologique de ce qui se passe dans le cerveau lorsque les fumeurs commencent à ressentir des symptômes de sevrage.
« La prochaine étape consistera à identifier à l’avance les fumeurs qui auront des difficultés d’adaptation et à cibler des traitements plus intensifs, basés sur l’activité cérébrale et la connectivité des réseaux », explique-t-elle, précisant que :
« Il est crucial pour les personnes qui tentent d’arrêter de se concentrer sur le réseau de contrôle, en passant de la réflexion sur soi à l’élaboration de leurs objectifs et de leurs plans immédiats.
En avril 2013, une étude a rapporté que la stimulation cérébrale magnétique pouvait aider les fumeurs à arrêter. Les chercheurs ont constaté qu’une seule séance de 15 minutes réduisait temporairement l’envie de fumer induite par des stimuli chez les personnes dépendantes à la nicotine.
Nouvelles Perspectives de Recherche en 2024
En 2024, les efforts de recherche se concentrent sur l’intégration de thérapies comportementales et de traitements pharmacologiques pour améliorer les taux d’abandon. Des études récentes ont montré que des approches combinées augmentent la probabilité de succès chez les fumeurs chroniques.
Par exemple, une étude publiée dans le Journal of Clinical Psychiatry a révélé que la combinaison de la thérapie cognitive comportementale avec des médicaments comme la varénicline améliore significativement les résultats d’abandon. Cette approche pourrait être essentielle pour cibler les mécanismes neurologiques identifiés dans les recherches antérieures.
De plus, des recherches sur la neuroplasticité suggèrent que des techniques comme la méditation de pleine conscience peuvent renforcer la connectivité cérébrale et aider les fumeurs à développer des stratégies de coping plus efficaces face aux envies de fumer. Ces nouvelles perspectives ouvrent la voie à des traitements plus personnalisés et efficaces.