Récupération des Patients Comateux grâce aux Voix Familiales

Il s’agit d’un scénario poignant que l’on retrouve dans de nombreux films et séries, mais une étude récente menée par Northwestern Medicine et l’Hôpital VA de Hines, tous deux situés en Illinois, tente de répondre à une question cruciale : les voix des membres de la famille peuvent-elles réellement réveiller les patients comateux de leur état d’inconscience ?

Une fille dans le coma, entourée de sa famille.

Le coma se définit comme un état d’inconscience profond où le patient ne peut ouvrir les yeux. À mesure que le patient commence à sortir de cet état, il progresse vers une conscience minimale, souvent décrite comme un état « végétatif », qui peut durer de quelques semaines à plusieurs années.

L’auteur principal de l’étude, Theresa Pape, a été inspirée à mener cette recherche, dont les résultats sont publiés dans une revue spécialisée, après avoir travaillé en tant qu’orthophoniste avec des patients souffrant de lésions cérébrales traumatiques. Elle a remarqué que ces patients réagissaient souvent mieux aux voix de leurs proches qu’à celles d’étrangers.

Cette observation a amené Pape à se demander si la récupération des patients pouvait être optimisée en stimulant leur cerveau à travers des interactions vocales pendant qu’ils étaient encore inconscients.

Dans le cadre d’une étude randomisée et contrôlée par placebo, 15 patients ayant subi des traumatismes crâniens fermés et étant dans un état de conscience minimale ont été recrutés pour participer à un programme de formation sensorielle auditive familière (FAST). Parmi ces participants, 12 étaient des hommes et 3 des femmes, avec un âge moyen de 35 ans, ayant été dans un état végétatif pendant une durée moyenne de 70 jours avant de débuter le traitement FAST.

Dès le début de l’étude, Pape et ses collègues ont utilisé des cloches et des sifflets pour évaluer la réactivité des patients aux stimulations sensorielles. Ils ont également observé si les patients pouvaient suivre des instructions simples, comme ouvrir les yeux ou suivre visuellement une personne se déplaçant dans la pièce.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) a été employée pour établir une ligne de base sur les niveaux d’oxygène dans le cerveau des patients pendant qu’ils écoutaient des voix familières et non familières racontant différentes histoires.

Les thérapeutes ont ensuite demandé aux familles de rassembler des albums photo et d’identifier au moins huit histoires mémorables, liées à des événements marquants vécus par le patient et sa famille.

« Cela pouvait être un mariage ou un voyage mémorable, comme une visite des campus universitaires », explique Pape. « Il était essentiel que ce soit quelque chose dont ils se souviendraient, et nous devions donner vie à ces histoires avec des sensations, des températures et des mouvements. » Les familles décrivaient, par exemple, la sensation du vent sur le visage du patient lorsqu’il était assis dans une Corvette ou encore la fraîcheur de l’air lorsqu’il skiait sur une montagne.

Les patients montrent une réactivité accrue aux voix inconnues après 6 semaines de traitement

Les histoires ont été répétées et enregistrées par les familles, puis diffusées aux patients comateux pendant six semaines. À la fin de cette période d’écoute, des tests d’IRM ont été réalisés pour évaluer les niveaux d’oxygène dans le sang des patients pendant qu’ils écoutaient leurs histoires racontées par des voix familières et inconnues.

Les résultats de l’IRM ont montré un changement dans les niveaux d’oxygène lorsque les histoires étaient racontées par une voix inconnue, tandis qu’aucun changement n’a été observé pour la voix familière.

Pape souligne que ces résultats indiquent une meilleure capacité de traitement et de compréhension du discours chez les patients, qui semblent plus réceptifs à une voix non familière. « Au départ, ils ne prêtaient pas attention à cette voix étrangère. Mais au fil du temps, ils ont commencé à traiter ce que disait cette personne », précise-t-elle.

Au cours de cette phase de traitement, les chercheurs ont également noté que les patients réagissaient moins au son d’une petite cloche qu’au début de l’étude. Cela pourrait indiquer qu’ils sont désormais mieux équipés pour distinguer différents types d’informations auditives et pour décider ce qu’il est essentiel d’écouter.

« La voix de maman leur racontant des histoires familières à plusieurs reprises a aidé leur cerveau à se concentrer sur des informations cruciales, plutôt que sur le bruit de la cloche », explique Pape. « Ils ont appris à filtrer ce qui était pertinent et ce qui ne l’était pas. »

Les deux premières semaines de traitement ont été considérées comme les plus significatives, montrant les gains les plus importants. Les quatre semaines suivantes ont apporté des améliorations plus modestes et progressives.

« Cela donne de l’espoir aux familles et leur offre une forme de contrôle », affirme Pape à propos de cette approche, conseillant aux familles de collaborer avec un thérapeute pour construire des histoires qui complètent les autres thérapies que le patient pourrait recevoir.

Actuellement, l’équipe analyse les données de l’étude pour déterminer si le traitement FAST favorise le renforcement des axones, ces fibres qui constituent le « câblage » du cerveau et transmettent les signaux entre les neurones.

Perspectives et Nouvelles Recherches

À l’horizon 2024, des recherches supplémentaires sont en cours pour explorer comment l’interaction auditive peut être intégrée dans des protocoles de réhabilitation plus larges. Des études récentes ont montré que la stimulation sensorielle multimodale, qui combine l’audition, la vue et le toucher, pourrait également améliorer la récupération des patients en état de conscience minimale. Des résultats préliminaires indiquent que des approches personnalisées, basées sur l’histoire de vie du patient, peuvent renforcer le lien émotionnel et favoriser une meilleure récupération.

De plus, des travaux sont en cours pour évaluer l’impact de la musique et des sons familiers sur l’état cognitif des patients dans le coma. Les chercheurs envisagent de créer des environnements d’écoute adaptés qui pourraient maximiser les bénéfices de la thérapie auditive, en tenant compte des préférences individuelles de chaque patient.

Alors que nous continuons d’approfondir notre compréhension de la neurologie du coma, ces études ouvrent la voie à des traitements innovants qui pourraient transformer les soins aux patients comateux, leur offrant ainsi une chance renouvelée de retrouver conscience et interaction avec le monde qui les entoure.

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