L’analyse des données d’un vaste essai a révélé que l’utilisation de suppléments de calcium – avec ou sans vitamine D – pourrait accroître le risque de développer certains types de polypes ou de lésions précancéreuses dans le côlon ou le rectum jusqu’à 10 ans après le début de la prise.
Les données proviennent d’un essai clinique randomisé qui a testé l’utilisation de suppléments de calcium et de vitamine D dans le but de prévenir les polypes colorectaux.
Les chercheurs, qui rapportent leurs résultats dans une revue médicale, insistent sur la nécessité de mener des études supplémentaires pour valider leurs découvertes.
Cependant, si ces résultats sont confirmés, les auteurs de l’étude estiment qu’ils pourraient avoir des « implications importantes » pour le dépistage et la prévention du cancer colorectal.
Des recherches antérieures examinant l’effet des suppléments de calcium et de vitamine D sur la prévention des polypes ont présenté des résultats incohérents.
Le cancer colorectal est une maladie où des cellules anormales prolifèrent, provoquant des excroissances dans le côlon ou le rectum, constituant ainsi le gros intestin.
L’American Cancer Society (ACS) estime qu’en 2017, aux États-Unis, 95 520 nouveaux cas de cancer du côlon et 39 910 cancers du rectum ont été diagnostiqués, entraînant la mort de 27 150 hommes et 23 110 femmes.
Le cancer commence comme un polype
Le cancer colorectal débute généralement comme un polype, une croissance non cancéreuse se développant dans la muqueuse du côlon ou du rectum. Ces polypes se développent lentement, prenant souvent jusqu’à 20 ans pour se former.
Il existe différents types de polypes, classés selon leur forme, taille et caractéristiques tissulaires. Le type le plus courant, connu sous le nom d’adénome, est un polype adénomateux.
La nouvelle étude, réalisée par des chercheurs de divers centres de recherche aux États-Unis, s’est concentrée sur un autre type de polype appelé polypes dentelés – bien que moins fréquents que les adénomes, ceux-ci ont un potentiel plus élevé de devenir cancéreux.
Le dépistage régulier par coloscopie, associé à l’élimination des polypes suspects, est le moyen le plus efficace de réduire l’incidence du cancer colorectal. Cependant, sa mise en œuvre à l’échelle de la population reste limitée en raison de divers facteurs, tels que l’adhésion des patients, l’accès aux soins et des coûts parfois prohibitif.
Les auteurs de la nouvelle étude soulignent que « en plus du dépistage, la chimioprévention avec divers agents a été souvent étudiée comme un moyen de réduire l’incidence du cancer colorectal et de ses précurseurs. »
Parmi les agents étudiés figurent l’aspirine, l’acide folique, des anti-inflammatoires non stéroïdiens et, comme dans le cadre de cette étude, le calcium et la vitamine D.
Risque accru avec la supplémentation en calcium
La nouvelle analyse a utilisé les données d’un essai de chimioprévention récemment achevé de calcium et de vitamine D, impliquant 2 259 patients âgés de 45 à 75 ans. Tous les participants avaient déjà subi l’ablation d’au moins un polype adénomateux colorectal lors d’un dépistage initial et devaient passer une coloscopie de suivi dans un délai de 3 à 5 ans.
Après exclusion des sujets ayant des antécédents familiaux de cancer du côlon ou du rectum, de maladies inflammatoires de l’intestin ou d’autres conditions graves, les participants restants ont été répartis aléatoirement en quatre groupes de traitement.
Le premier groupe recevait des suppléments quotidiens de calcium, le second des suppléments de vitamine D, le troisième des deux, et le quatrième groupe n’en recevait aucun.
Tous les groupes ont poursuivi le traitement jusqu’à la prochaine coloscopie de dépistage prévue dans 3 à 5 ans. Suite à cette seconde coloscopie, une phase d’observation a été instaurée, durant laquelle aucune supplémentation n’a été administrée.
Cette phase s’est terminée par une troisième coloscopie de dépistage, réalisée 6 à 10 ans après le début de la supplémentation.
Les résultats de la coloscopie à l’issue de la phase de traitement ont montré que ni la vitamine D, ni le calcium, ni leur combinaison n’avaient d’impact sur l’incidence des polypes dentelés.
Cependant, les résultats de la troisième coloscopie – effectuée environ 6 à 10 ans après le début de la supplémentation – ont révélé une incidence plus élevée de polypes dentelés chez les patients prenant du calcium, que ce soit seul ou en association avec de la vitamine D.
Aucun lien similaire n’a été établi pour la vitamine D seule. Les femmes et les fumeurs semblaient présenter un risque accru de développer ces polypes en raison de la supplémentation en calcium.
Les auteurs de l’étude notent que bien que les données proviennent d’un large essai randomisé, leurs résultats résultent d’une analyse secondaire et que certains résultats pourraient être le fruit du hasard. Ils concluent donc que :
« D’autres études sont recommandées pour confirmer ces résultats, qui pourraient avoir des implications majeures pour le dépistage et la prévention du cancer colorectal. »
Entre-temps, ils suggèrent que les personnes ayant des antécédents de polypes dentelés précancéreux – en particulier les femmes et les fumeurs – devraient envisager d’éviter la prise de suppléments de calcium et de vitamine D.
Perspectives actuelles sur la prévention du cancer colorectal
En 2024, il est essentiel de rappeler l’importance d’une alimentation équilibrée et d’un mode de vie sain dans la prévention du cancer colorectal. Les études récentes soulignent le rôle crucial de l’activité physique régulière et d’une consommation adéquate de fibres.
De plus, la surveillance régulière et le dépistage précoce demeurent des stratégies clés pour réduire l’incidence du cancer colorectal. Des recommandations actualisées encouragent les adultes à commencer le dépistage à 45 ans, en particulier pour ceux à risque accru.
Enfin, il est impératif que les professionnels de santé informent les patients des risques associés à la supplémentation en calcium et en vitamine D, tout en les encourageant à discuter de toute prise de supplément avec leur médecin. La recherche continue d’évoluer, et il est crucial d’adapter nos recommandations en fonction des nouvelles découvertes scientifiques.