Neuroprothèses: Révolutionner la Réhabilitation par la Pensée

Les neuroprothèses, également connues sous le nom d’interfaces cerveau-ordinateur, sont des dispositifs révolutionnaires qui aident les personnes souffrant de déficiences motrices ou sensorielles à retrouver le contrôle de leurs mouvements et de leurs sensations. En d’autres termes, cette technologie novatrice permet aux individus de bouger, d’entendre, de voir et de toucher simplement par la force de leur pensée. Comment fonctionnent ces dispositifs fascinants ? Nous examinons ici cinq percées majeures dans ce domaine pour envisager jusqu’où nous sommes arrivés et où nous pourrions aller grâce à la puissance de notre esprit.

Femme avec des électrodes attachées au crâne, illustrant l'innovation en neuroprothèses.

Chaque année, des centaines de milliers de personnes à travers le monde perdent le contrôle de leurs membres à cause de blessures à la moelle épinière. Aux États-Unis, jusqu’à 347 000 personnes vivent avec une lésion de la moelle épinière (LME), et près de la moitié d’entre elles ne peuvent plus se déplacer.

Pour ces individus, les dispositifs neuroprosthétiques peuvent offrir un espoir précieux.

Les interfaces cerveau-ordinateur (BCI) utilisent généralement des électrodes placées sur le crâne, à la surface du cerveau ou dans les tissus cérébraux, pour surveiller et mesurer l’activité cérébrale lorsque le cerveau « pense » à un mouvement. Cette activité est ensuite « traduite » en un code, ou un algorithme, qui est intégré dans un ordinateur. Celui-ci transforme le code en commandes produisant un mouvement.

Les neuroprothèses ne sont pas seulement utiles pour ceux qui ne peuvent pas bouger leurs bras et jambes ; elles aident également les personnes souffrant de handicaps sensoriels. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime qu’environ 360 millions de personnes dans le monde souffrent d’une perte auditive invalidante, tandis que 39 millions de personnes sont aveugles.

Pour certaines de ces personnes, les neuroprothèses telles que les implants cochléaires et les yeux bioniques leur ont redonné leurs sens, leur permettant d’entendre ou de voir pour la première fois.

Dans cet article, nous passons en revue cinq des avancées les plus significatives dans le domaine des neuroprothèses, en explorant leur fonctionnement, leur utilité, et comment certaines d’entre elles continueront d’évoluer dans le futur.

Implant d’oreille

Probablement le dispositif neuroprosthétique le plus ancien, les implants cochléaires (ou implants auriculaires) existent depuis quelques décennies et représentent l’exemple parfait de réussite des neuroprothèses.

La Food and Drug Administration des États-Unis (FDA) a approuvé les implants cochléaires dès 1980. En 2012, près de 60 000 Américains avaient reçu l’implant. À l’échelle mondiale, plus de 320 000 personnes ont bénéficié de cette technologie.

Un implant cochléaire contourne les parties endommagées de l’oreille et stimule le nerf auditif à l’aide de signaux générés par des électrodes. Les signaux transmis au cerveau par le nerf auditif sont perçus comme des sons, bien que l’audition via un implant cochléaire diffère de l’audition normale.

Bien qu’imparfaits, ces implants permettent aux utilisateurs de distinguer la parole, que ce soit en personne ou au téléphone. Les médias sont pleins de témoignages émouvants de personnes qui ont pu entendre pour la première fois grâce à cette technologie.

Voici une vidéo touchante d’une femme de 29 ans qui entend pour la première fois grâce à un implant cochléaire :

Implant oculaire

La première rétine artificielle, nommée Argus II, a été entièrement conçue avec des électrodes implantées dans l’œil et a reçu l’approbation de la FDA en février 2013. Comme l’implant cochléaire, ce dispositif contourne les zones endommagées de la rétine et transmet des signaux capturés par une caméra connectée au cerveau.

Ce processus consiste à convertir les images en pixels clairs et sombres, qui deviennent des signaux électriques. Ces signaux sont ensuite envoyés aux électrodes, qui transmettent le signal au nerf optique du cerveau.

Bien qu’Argus II ne restaure pas entièrement la vision, il permet aux patients atteints de rétinite pigmentaire, une maladie qui endommage les photorécepteurs de l’œil, de distinguer contours et formes, ce qui, selon de nombreux patients, améliore considérablement leur qualité de vie.

La rétinite pigmentaire concerne environ 100 000 personnes aux États-Unis. Depuis son approbation, plus de 200 patients ont reçu l’implant Argus II, et la société qui le développe s’efforce actuellement d’améliorer la détection des couleurs et la résolution de l’appareil.

Neuroprothèses pour les personnes atteintes de LME

On estime que près de 350 000 personnes aux États-Unis vivent avec une LME, dont 45 % sont considérées comme tétraplégiques, c’est-à-dire paralysées du cou.

Nous avons récemment rapporté une expérience révolutionnaire où un homme atteint de quadriplégie a réussi à bouger ses bras uniquement par la pensée.

Bill Kochevar avait des électrodes chirurgicalement implantées dans son cerveau. Après avoir appris au BCI à reconnaître l’activité cérébrale correspondant aux mouvements auxquels il pensait, cette activité était convertie en impulsions électriques retransmises aux électrodes de son cerveau.

Tout comme les implants cochléaires et visuels, ce BCI contourne la « coupure » entre le cerveau et les muscles causée par la LME.

Grâce à ce neuroprothétique, le patient a pu se nourrir et boire avec succès. « C’était incroyable », raconte Kochevar. « Je pensais à bouger mon bras et il a agi. » Kochevar a été le premier patient au monde à tester ce dispositif, qui n’est pour l’instant disponible qu’à des fins de recherche.

Vous pouvez en apprendre davantage sur cette neuroprothèse dans la vidéo ci-dessous :

Cependant, les avancées ne s’arrêtent pas là. Le laboratoire Courtine, dirigé par le neuroscientifique Grégoire Courtine à Lausanne, en Suisse, travaille sans relâche pour aider les personnes blessées à reprendre le contrôle de leurs jambes. Leurs recherches sur les rats ont permis à ces rongeurs paralysés de marcher à l’aide de signaux électriques et de stimulation des nerfs dans la moelle épinière sectionnée.

« Nous pensons que cette technologie pourrait un jour significativement améliorer la qualité de vie des personnes confrontées à des troubles neurologiques », explique Silvestro Micera, co-auteur de l’expérience et neuro-ingénieur chez Courtine Labs.

Récemment, le professeur Courtine a dirigé une équipe internationale de chercheurs qui a réussi à provoquer un mouvement volontaire de la jambe chez des singes rhésus. C’était la première fois qu’un neuroprosthétique permettait à des primates non humains de marcher.

Cependant, « il peut falloir plusieurs années avant que tous les composants de cette intervention soient testés sur des personnes », précise le professeur Courtine.

Un bras qui sent

Silvestro Micera a également dirigé d’autres projets liés aux neuroprothèses, parmi lesquels un bras capable de « sentir ». En 2014, il a rapporté la création de la première main artificielle dotée de capteurs.

Les chercheurs ont mesuré la tension dans les tendons de la main artificielle lors des mouvements de préhension, convertissant ces données en courant électrique. Grâce à un algorithme, cela a généré des impulsions envoyées aux nerfs dans le bras, permettant ainsi de ressentir une sensation de toucher.

Depuis, ce bras prothétique « sensible » a connu d’importantes améliorations. Des chercheurs de l’Université de Pittsburgh et du Pittsburgh Medical Center ont testé le BCI sur un patient tétraplégique : Nathan Copeland.

Les scientifiques ont implanté une gaine de microélectrodes sous la surface du cerveau de Copeland, dans son cortex somatosensoriel primaire, les reliant à un bras prothétique équipé de capteurs. Cela a permis au patient de ressentir des sensations de contact, lui semblant provenir de sa main paralysée.

Les yeux bandés, Copeland a pu identifier quel doigt de son bras prothétique était touché. Les sensations variaient en intensité et étaient perçues différemment selon la pression.

Neuroprothèses pour les neurones ?

Nous avons vu comment les prothèses contrôlées par le cerveau peuvent restaurer le sens du toucher, de l’ouïe, de la vue et des mouvements, mais peut-on développer des prothèses pour le cerveau lui-même ?

Des chercheurs de l’Australian National University (ANU) à Canberra ont réussi à développer des cellules cérébrales artificielles et à créer des circuits cérébraux fonctionnels, ouvrant la voie aux neuroprothèses pour le cerveau.

En appliquant la géométrie des nanofils à une plaquette semi-conductrice, le Dr Vini Gautam et ses collègues ont élaboré un échafaudage permettant aux cellules cérébrales de croître et de se connecter synaptiquement.

Le Dr Vincent Daria, chef du groupe de projet à la John Curtin School of Medical Research en Australie, souligne le succès de leur recherche :

« Nous avons pu établir des connexions prédictives entre les neurones et démontrer leur fonctionnalité, ce qui pourrait établir un lien plus fort entre la nanotechnologie des matériaux et les neurosciences. »

Les neuroprothèses pour le cerveau pourraient un jour aider les patients ayant subi un AVC ou vivant avec des maladies neurodégénératives à retrouver des fonctions neurologiques.

Chaque année aux États-Unis, près de 800 000 personnes subissent un AVC, et plus de 130 000 en meurent. Les maladies neurodégénératives sont également répandues, touchant 5 millions d’adultes américains atteints de la maladie d’Alzheimer, 1 million de la maladie de Parkinson et 400 000 souffrant de sclérose en plaques.

Découvrez la dernière initiative de Facebook : le développement des BCI.

Nouvelles Perspectives de Recherche en 2024

La recherche sur les neuroprothèses continue d’évoluer rapidement, avec des découvertes fascinantes qui transforment notre compréhension de la connectivité neuronale. En 2024, plusieurs études récentes ont démontré que l’amélioration des algorithmes d’apprentissage machine permet une meilleure interprétation des signaux cérébraux, rendant les BCI plus réactifs et adaptés aux besoins individuels des utilisateurs.

Une étude de l’Université de Stanford a montré que l’intégration de l’intelligence artificielle dans les dispositifs neuroprothétiques pourrait permettre une personnalisation en temps réel des commandes, offrant une expérience utilisateur sans précédent. Ce développement pourrait ouvrir la voie à des applications plus larges, allant de la réhabilitation physique à la gestion des troubles neurologiques.

D’autres recherches se penchent sur l’interface directe entre les circuits neuronaux et les dispositifs électroniques, offrant la promesse de restaurer des fonctions perdues et même d’améliorer des capacités sensorielles. Ces avancées pourraient non seulement améliorer la qualité de vie des patients, mais également transformer notre approche des traitements des maladies neurologiques.

En parallèle, des projets internationaux collaboratifs visent à optimiser l’accès à ces technologies pour un plus grand nombre de patients, indépendamment de leur situation géographique ou économique. Ces initiatives sont essentielles pour garantir que les avancées dans le domaine des neuroprothèses bénéficient à tous.

Ainsi, l’avenir des neuroprothèses s’annonce prometteur, avec des recherches qui non seulement poussent les limites de la technologie, mais apportent également un nouvel espoir à des millions de personnes à travers le monde.

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