Une question à tous les parents : êtes-vous prêts à partager votre lit avec votre bébé ? Cette interrogation suscite un éventail de réponses, tant le sujet est délicat et controversé. Certaines études suggèrent que le partage du lit avec le nourrisson pourrait être bénéfique, tandis que d’autres signalent des risques sérieux pour sa santé. Alors, que doivent faire les nouveaux parents ?
L’American Academy of Pediatrics (AAP) et la Consumer Product Safety Commission des États-Unis déconseillent fermement le partage du lit avec un nourrisson, que ce soit sur un lit, un canapé ou une chaise. En effet, dormir sur une surface commune présente des dangers indéniables.
Cependant, une étude menée en 2013 par les National Institutes of Health (NIH) a révélé que la proportion de nourrissons partageant le lit avec un parent ou un autre adulte a plus que doublé entre 1993 et 2010, passant de 6,5 % à 13,5 %.
Cette croissance est surprenante, surtout compte tenu des risques bien documentés associés à cette pratique. Plus récemment, une étude de l’AAP a mis en évidence le partage du lit comme principal facteur de syndrome de mort subite du nourrisson (SMSN), la première cause de décès chez les bébés âgés de 1 à 12 mois.
L’enquête, publiée dans une revue spécialisée, a révélé que sur 8 207 décès de nourrissons survenus entre 2004 et 2012 dans 24 États américains, 69 % des bébés partageaient le lit au moment de leur décès.
« Le partage du lit peut accroître le risque de surchauffe, de réinspiration, d’obstruction des voies respiratoires, d’exposition à la fumée de tabac et de suffocation », explique Michael Goodstein, professeur agrégé de pédiatrie à la Pennsylvania State University, et membre du groupe de travail de l’AAP sur le SMSN.
Il ajoute que « partager le lit dans un lit d’adulte non conçu pour la sécurité du nourrisson expose le bébé à des dangers supplémentaires tels que la suffocation, l’asphyxie, le piégeage, les chutes et l’étranglement ». Les nourrissons, en particulier ceux nés prématurément ou avec un faible poids à la naissance, sont particulièrement vulnérables en raison de leur motricité immature, ce qui les rend incapables d’éviter les dangers.
Plus récemment, une autre étude de l’AAP a montré que même dormir sur un canapé avec un nourrisson augmente considérablement le risque de SMSN. Parmi les 9 073 décès liés au sommeil, 12,9 % se sont produits sur des canapés, souvent avec un adulte à proximité.
Les statistiques sont inquiétantes, et plusieurs cas tragiques ont été rapportés. En 2012, un journal britannique a évoqué la mort de jumeaux de 3 semaines dans l’Idaho, étouffés accidentellement par leur mère. D’autres incidents tragiques ont suivi, mettant en lumière le danger du partage du lit sous l’influence de substances.
Selon l’AAP, le partage du lit est particulièrement risqué si un parent est très fatigué, fume, consomme de l’alcool ou prend des drogues. Ces rapports soulèvent une question cruciale : pourquoi de plus en plus de parents choisissent-ils cette pratique malgré les risques potentiels ?
Partage du lit et allaitement
L’un des principaux motifs pour lesquels de nombreuses mères optent pour le partage du lit est de favoriser l’allaitement prolongé. L’Academy of Breastfeeding Medicine soutient d’ailleurs cette pratique dans le cadre de l’allaitement. Une étude récente a également montré que les mères partageant leur lit avec leur bébé sont plus susceptibles d’allaiter plus longtemps.
Le pédiatre William Sears est un fervent défenseur de cette pratique, ayant plaidé pour le partage du lit depuis 1993. « Mettez-vous à la place de votre bébé », dit-il. « Préférerait-il dormir seul dans une pièce sombre ou blotti contre son parent préféré à quelques centimètres de sa source de confort ? » Pour beaucoup de mères, l’allaitement peut être un véritable défi, nécessitant de se lever fréquemment la nuit, ce qui peut être épuisant.
Ainsi, de nombreux parents voient le partage du lit comme une solution. Cela permet au nourrisson de se nourrir tout en offrant à la mère la possibilité de se reposer davantage.
Diana West, de La Leche League International, souligne que « le partage du lit fonctionne bien car les mères qui allaitent et les bébés sont naturellement câblés pour être ensemble pendant les périodes de sommeil vulnérables. Lorsque le lit est partagé, le bébé est plus serein et n’a pas besoin de pleurer pour attirer l’attention de sa mère, qui peut rester allongée tout en nourrissant son enfant ». Elle ajoute que ce comportement instinctif favorise un sommeil de faible intensité pour les deux, ce qui est bénéfique.
Cependant, le Dr Goodstein rappelle qu’aucune étude n’a encore examiné si le partage d’une chambre plutôt que d’un lit favorise également l’allaitement maternel.
Quels sont les autres avantages et risques potentiels du partage du lit ?
Malgré la majorité des recherches qui mettent en garde contre le partage du lit, certains professionnels de santé soutiennent qu’il pourrait réduire le risque de SMSN s’il est pratiqué en toute sécurité. Le Dr Sears, par exemple, note que dans certaines cultures où cette pratique est courante, comme en Asie ou en Afrique, les taux de SMSN sont particulièrement bas. « Bien que d’autres facteurs puissent jouer un rôle, toutes les études de population que j’ai consultées indiquent que le co-sommeil réduit le risque de SMSN », déclare-t-il.
D’un autre côté, le Dr Goodstein estime qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour étayer cette assertion. Certaines études suggèrent que le partage du lit pourrait renforcer le lien entre parents et bébé. Le Dr Susan Markel, pédiatre, explique : « Les bébés ont un besoin inné d’être touchés et tenus, et cette proximité physique est cruciale pour leur bien-être. »
Néanmoins, de nombreux professionnels de la santé soulignent que les risques de SMSN pourraient l’emporter sur les avantages du partage du lit. De plus, il existe d’autres inconvénients à cette pratique. « Beaucoup de parents craignent que si on permet aux enfants de dormir dans leur lit dès la naissance, cela complique leur transition vers un lit séparé plus tard », déclare Sarah Crown, rédactrice en chef chez Mumsnet.
D’autres pensent que cela pourrait engendrer une dépendance excessive des enfants à l’égard des contacts physiques. Une étude de 2011 a cependant révélé que le partage du lit entre 1 et 3 ans n’a pas d’effets néfastes à long terme sur le comportement ou la cognition des enfants à 5 ans.
Pas de règle d’or pour le partage du lit
Bien que le débat sur le partage du lit soit toujours d’actualité, il semble que les organismes de santé infantile s’accordent sur un point : la décision revient aux parents. « Il n’y a pas de règle universelle », affirme Crown. « Chaque famille doit trouver ce qui lui convient le mieux. Les discussions sur Mumsnet sont précieuses pour ceux qui traversent cette phase souvent délicate du sommeil des premiers jours. »
Le Dr Goodstein renchérit : « Les parents souhaitent offrir le meilleur à leurs bébés. En tant que professionnels, nous devons les aider en leur fournissant des informations fiables pour garantir non seulement la santé, mais aussi le bien-être de leurs enfants. »
Il est essentiel de collaborer pour promouvoir l’allaitement maternel tout en garantissant un sommeil sûr pour les nourrissons.
Recommandations de l’AAP pour des environnements de sommeil sécurisés pour les nourrissons
L’AAP ne soutient pas le partage du lit. Elle recommande plutôt le partage de la chambre, ce qui signifie que les parents doivent dormir dans la même pièce que leur bébé, mais pas sur la même surface.
Dans son dernier énoncé de politique, l’AAP préconise que les bébés soient couchés sur le dos dans un berceau ou une aire de jeux sécurisée, sur un matelas ferme couvert d’un drap-housse. Aucun objet mou, tel que des oreillers ou des couvertures, ne doit être présent dans l’environnement de sommeil, afin de réduire les risques de SMSN, d’étouffement ou de strangulation.
Les bébés doivent également dormir dans un environnement sans fumée et ne pas être trop chauds, car cela pourrait accroître le risque de SMSN. L’AAP suggère aussi d’envisager l’utilisation d’une tétine au coucher, car cela a montré des effets protecteurs contre le SMSN.
« Aider les parents à comprendre l’importance de ces recommandations peut améliorer leur conformité à la maison », conclut le Dr Goodstein.
Partage de lit plus sûr
Les parents peuvent choisir de partager le lit avec leur enfant, ou cela peut arriver de manière inattendue. L’Initiative Amis des bébés de l’UNICEF, une organisation mondiale pour les enfants, propose des conseils pour un partage de lit plus sûr.
Elle souligne qu’il n’est pas recommandé de partager le lit durant les premiers mois de la vie d’un bébé, en particulier s’il est prématuré ou de faible poids. Les nourrissons doivent être éloignés des oreillers pour éviter les risques d’étouffement. De plus, les parents doivent s’assurer que l’enfant ne peut pas tomber du lit ou se coincer entre le matelas et le mur.
Les couvertures ne doivent pas couvrir le visage du bébé, et il ne faut jamais laisser un nourrisson seul sur un lit. Enfin, les parents ne devraient pas partager un lit s’ils ont consommé des drogues, de l’alcool ou s’ils fument.
Pour plus d’informations sur les pratiques de sommeil sécuritaires pour les nourrissons, visitez le site healthychildren.org, géré par l’American Academy of Pediatrics.